Le ministère des Affaires étrangères vient de faire le ménage en son sein. Deux commissions d’enquête internes ont découvert quatorze dossiers de corruption impliquant, entre autres, trois anciens ministres.

Par Wahid Chedly


Les «opérations mains propres» se suivent et ressemblent au niveau des institutions de l’Etat, gangrenées par une corruption endémique tout au long des vingt-trois ans de règne de Ben Ali. La dernière en date a touché le ministère des Affaires étrangères où des dossiers brûlants de corruption financière et administrative viennent d’être déterrés.

C’est ce qu’à révélé le ministre des Affaires étrangères Rafik Abdessalem au cours d’une conférence de presse tenue mercredi au siège de son département. Le ministre à affirmé que deux commissions d’enquêtes internes, mises sur pied au lendemain de sa prise de fonction et comptant des représentants de la partie syndicale, ont dévoilé 14 dossiers de corruption financière et administrative: 7 de corruption financière, 3 de corruption administrative et 4 dossiers combinant corruption financière et administrative.

Ces dossiers impliquent aussi bien des anciens ministres des Affaires étrangères que des diplomates et des comptables publics. Au total, une bonne quarantaine de personnes sont soupçonnés de corruption financière et administrative: 3 anciens ministres des Affaires étrangères, un consul général, 2 ambassadeurs, 4 diplomates, 2 secrétaires généraux, 17 chefs de délégations diplomatiques, 3 directeurs généraux, 7 directeurs, un directeur adjoint, 6 comptables et 4 fonctionnaires.

Dans la seule affaire des passeports diplomatiques accordés au président déchu  Ben Ali et à des membres de sa famille, un ancien ministre des Affaires étrangères (probablement Kamel Morjane en l’occurrence que M. Abdessalem n’a pas voulu nommer), 4 ambassadeurs et un consul général sont impliqués. «Ces passeports diplomatiques ont été accordés le 16 janvier 2011 à des membres du clan Ben Ali en violation des dispositions légales en vigueur étant donné que l’ancien dictateur était impliqué dans le meurtre de centaines de manifestants ainsi que dans de grandes affaires de corruption. L’affaire est déjà entre les mains de la Justice», a déclaré M. Abdessalem, sans plus de précision.   Et d’ajouter: «Tous ces dossiers de corruption seront soumis à la justice. En attendant, que la justice les tranche, nous avons procédé à la mise à la retraite obligatoire de certains cadres dont l’implication est certaine

15% des nominations sont politiques

D’autre part, le ministre a fait savoir que 16 agents et cadres du ministère congédiés sous le règne de Ben Ali pour des raisons politiques ont été réintégrés.

Pour ce qui du mouvement opéré récemment dans le corps diplomatique, M. Abdessalem a indiqué que des critères objectifs ont été retenus pour la première fois dans le cadre de la mise en œuvre d’un plan de réforme administrative. Il s’agit notamment du professionnalisme, de l’expérience et de l’intégrité.

En d’autres termes, le critère de l’appartenance au parti Ennahdha au pouvoir ou de leur affinité avec ce parti n’a pas été déterminant : ce que les détracteurs de M. Abdessalem démentent, affirmant que le nouveau mouvement dans le corps diplomatique a tenu compte aussi de ce critère là.

Selon le ministre, ce mouvement a touché plus de centaines de diplomates et de fonctionnaires : 33 ambassadeurs, 2 consuls généraux, 5 consuls, 38 diplomates, 12 agents administratifs, 24 fonctionnaires et 2 ouvriers. «85% de ces nominations ont concerné les cadres du ministère, le reste étant des nominations politiques conformément à un accord conclu récemment avec le syndicat», a indiqué M. Abdessalem.

Selon lui, l’accord avec le syndicat prévoit également des augmentations allant de 10 à 70% des salaires des diplomates en fonction des niveaux de vie dans les pays où ils sont en poste, l’intégration des salariés exerçant dans le cadre du régime de la sous-traitance, la réintégration des cadres limogés pour des raisons politiques ou syndicales, l’octroi de la priorité aux cadres du ministère en matière des nominations dans le corps diplomatique et des promotions exceptionnelles.

Par ailleurs, M. Abdessalem a démenti avoir effectué des visites privées à Doha et une visite officielle aux Seychelles. «Je ne suis jamais rendu aux  Seychelles et toute mes visites à Doha se situaient dans le cadre de ma participation aux réunions des ministres arabes des Affaires étrangères», a-t-il dit, accusant certains médias de propager des rumeurs infondées.

Relations cordiales avec le chef du gouvernement

Le ministre, qui est, par ailleurs, le gendre de Rached Ghannouchi, le chef du mouvement islamiste Ennahdha, a également infirmé les rumeurs selon lesquelles il ne serait pas en bons termes avec le chef du gouvernement, Hamadi Jebali. «Le Premier ministre a le droit de juger le travail de n’importe quel ministre. Nos relations sont d’ailleurs très cordiales», a-t-il souligné.

En ce qui concerne la tenue prochain sommet de l’Union du Maghreb arabe (Uma), M. Abdessalem a noté que la date du 10 octobre n’est pas définitive, indiquant que la Tunisie ne compte pas jouer un rôle de médiation entre Rabat et Alger sur l’épineux dossier du Sahara occidental qui bloque encore et toujours l’intégration maghrébine.

Sur un autre plan, le ministre des Affaires étrangères a révélé que son département a encouragé les Tunisiens établis en Syrie à quitter ce pays depuis l’expulsion de l’ambassadeur syrien en Tunisie. «Nous avons aidé plusieurs de nos ressortissants à quitter la Syrie pour s’installer au Liban ou en Jordanie.  Très peu de Tunisiens sont encore établis dans ce pays touché par le printemps arabe», a-t-il souligné, précisant que les dépouilles mortelles des Tunisiens partis combattre aux côtés des insurgés syriens seront rapatriées avec le concours du Comité international de la Croix Rouge.

En d’autres termes: il y a bien encore des Tunisiens établis en Syrie. Ce sont des jihadistes qui ont rejoint ce pays au cours des derniers mois pour rejoindre le jihad contre le régime mécréant de Bachar El Assad. S’il n’est pas de la responsabilité de son département en particulier, le mouvement de ces jihadistes implique elle du gouvernement tunisien dans son ensemble et, surtout, du ministère de l’Intérieur, qui ne semble pas trop s’en préoccuper. A moins que cette manière de fermer les yeux participe d’une politique d’Etat, d’un Etat «ami du peuple syrien»!