Région tunisienne dotée d’une réelle richesse agricole, industrielle et culturelle, le nord-ouest est, aujourd’hui, au terme d’un demi siècle de développement inégal, une région au bord du désespoir.
Par Ala Ben Abbes (Cahiers de la Liberté)
«Région tunisienne dotée d’un patrimoine archéologique à peine exploité. Je dispose d’une richesse naturelle hors norme: terres agricoles et réserves en substances minérales utiles. Cherche programme de développement régional audacieux et durable. Offres populistes s’abstenir.»
Des richesses hors normes
Le nord-ouest tunisien est tout d’abord une terre agricole. Jendouba, gouvernorat d’une superficie de 3.102 km² dispose d’une superficie totale de terres agricoles utiles de l’ordre de 3.007 km², soit un ratio de 97%. Et c’est le cas de l’ensemble des gouvernorats de la région, Béja: 3.410 km² de terres agricoles utiles pour une superficie totale de 3.740 km² (91%), Kef: 4.832 km² pour 5.081 km² (95%) et enfin Siliana: 4.311 km² de terres agricoles pour une superficie totale de 4.642 km² (93%).
L’agriculture emploie 39,1% de la population active de la région et le taux d’urbanisation y est de 38% quand la moyenne nationale est de 66%
.
De riches terres agricoles bien arrosées, mais mal exploitées.
Le nord-ouest tunisien dispose également d’une formidable richesse en ressources minérales utiles (roche marbrière et roche argileuse par exemple). On ne compte pas moins de 94 réserves à Béja, 62 à Jendouba, 79 au Kef et 66 à Siliana. Une réelle «fortune» pour une hypothétique activité d’extraction et de transformation hors norme.
La région regorge également de grands réservoirs d’eau. Jendouba dispose d’une réserve de 366 millions de m3 (21 barrages et 39 lacs) et Béja d’une réserve de 560 millions de m3 (25 barrages et 57 lacs).
Mais le nord-ouest tunisien n’est pas qu’une terre agricole, un barrage et une carrière à ciel ouvert. Cette région dispose aussi d’un patrimoine culturel et archéologique exceptionnel : Dougga, Ain Tounga, Chemtou, Bulla-régia, la Kasbah, Jugurta, Jama, Misti… La liste est longue et riche, tout comme l’histoire de cette région.
Une région au bord du désespoir
Un vrai paradis sur terre ce nord-ouest tunisien, n’est-ce pas? Pas totalement, en réalité. Cette région cherche encore et toujours ce programme de développement qui saura mettre toutes ces richesses au service de ses habitants et au-delà.
L’eau abondante aurait pu inciter à de grands travaux de barrages et donner naissance à une énergie renouvelable et une agriculture haut de gamme? Non, l’eau abondante est une malédiction qui se paie très cher.
Site archélogique de Bula Regia: un gran musée à ciel ouvert.
Le patrimoine archéologique aurait pu donner naissance à un tourisme culturel à forte valeur ajoutée? Non, il reste pour le moment prisonnier des tracts de la campagne électorale. Et au quotidien, cette richesse est synonyme de tensions sociales[1]. Non, pas réellement un paradis sur terre.
Avec un taux de croissance démographique nul (-0.1% en 2004) et un solde migratoire exportateur, la vie quitte la région. D’ailleurs, le taux de mortalité y est supérieur à la moyenne nationale (6,7% contre 5,7%).
Les conditions de vie sont en-dessous des moyennes nationales et le taux de chômage est très élevé (atteint les 40% au gouverneront du Kef). Et pour finir ce tableau noir, on notera que le taux de pauvreté (3,1%) est deux à trois fois supérieur à son vis-à-vis de la côte Est et le taux d’illettrisme atteint des niveaux ahurissants (39% à Jendouba par exemple).
«Région tunisienne dotée d’une réelle richesse agricole, industrielle et culturelle, je suis aujourd’hui, une région au bord du désespoir.»
Note:
[1] Mi-septembre 2011, une vingtaine de salafistes.
Source: Le Journal de l’Association Cahiers de la Liberté, N°3, Mai-juin 2012.