Des expertes juristes ont tiré, vendredi, la sonnette d’alarme concernant «le risque d’une régression» des acquis de la femme tunisienne dans la Constitution post-révolution.


 

«Les risques de régression ne concernent pas uniquement les droits de la femme puisqu’il s’agit en fait d’une remise en cause de tout un modèle de société initié en 1956 avec l’édification de la Tunisie moderne», a expliqué le doyen Sadok Belaid, intervenant vendredi lors d’une rencontre organisée par le Credif sur le thème «Le Csp: questions actuelles».

«Il y a un risque sérieux que les droits des femmes soient minorés», a-t-il dit, mais le vrai danger réside dans «une remise en cause de l’ensemble des droits et des libertés» a dit M. Belaid, citant le projet final du chapitre relatif aux droits et libertés qui sera inscrit dans la nouvelle Constitution.

Plusieurs intervenantes ont mis en garde contre «une approche de droit naturel pour des questions juridiques de droit positif». L’une des conséquences de cet amalgame, ont-elles expliqué, c'est le projet de l’article 28 de la Constitution.

L’article 28 tel qu’il a été voté en commission à l’Assemblée constituante, prône «la complémentarité» entre l’homme et la femme et renie par la même le principe d’«égalité», principale revendication des manifestants le 14 janvier 2011.

L’article, voté à 12 voix, propose aussi une définition de la femme comme étant complémentaire de l’homme et non comme son égal. Autant dire qu’il ne considère pas la femme comme étant que citoyenne à part entière.

L’article 28 du projet de la constitution se trouve aussi dans une certaine mesure en contradiction avec le contenu de l’article 22 du même projet de la constitution qui fait référence au principe d'égalité. Le vote de cet article s'est fait en l’absence des constituants de la «troïka».

L’absence d’une véritable culture de l’égalité risque d’induire en erreur la société, a expliqué de son côté la juriste Monia El-Abed, appelant à l’organisation d’une large campagne de sensibilisation.

L’actuel Csp oscille entre la modernité et l’approche traditionaliste, a encore dit Mme El-Abed affirmant que l’actuel Csp gagnerait plutôt à être revu vers une plus grande confirmation des droits des femmes.

Moins alarmiste, la sociologue Souad Triki explique qu’en pratique, la société tunisienne adhère totalement au contenu du Csp mais l’absence d’une stratégie claire et d’un véritable plaidoyer en faveur des acquis de la femme risque de mettre en danger le modèle de la société tunisienne.

Le Credif œuvre à impulser le processus moderniste des droits des femmes à travers le développement d’une réflexion profonde sur les principales questions d’actualité, a expliqué Dalenda Larguech, directrice générale du Centre.

Source: Tap.