La manifestation des partisans d’Ennahdha, vendredi à la Kasbah, a surtout montré l’affaiblissement de la capacité de mobilisation de ce parti et la panique de ses dirigeants face à la perspective de perdre le pouvoir.
Par Imed Bahri
Ils étaient quelque 5.000, peut-être 10.000 tout au plus, à donner de la voix à l’esplanade de la Kasbah en face du palais du gouvernement. La manifestation était censée faire pression sur le gouvernement pour le pousser à accélérer le processus de réformes et d’assainissement des institutions de l’Etat, du milieu des affaires et des médias, mais elle s’est vite transformée en une manifestation de soutien inconditionnel au gouvernement.
Caïd Essebsi : l’empêcheur de tourner en rond
Quelques milliers de personnes ramenées par bus entiers de plusieurs villes du pays: on est très loin du million de manifestants que se promettaient de réunir les organisateurs. L’usure du pouvoir semble avoir réduit considérablement la crédibilité du parti Ennahdha et sa capacité de le mobilisation.
L’essentiel des slogans lancés au cours de la manifestation était hostile au mouvement Nida Tunes (Appel de la Tunisie), fondé il y a 3 mois par l’ex-Premier ministre Béji Caïd Essebsi. Et cela se comprend: ce parti, qui s’est développé très rapidement, fédérant des forces libérales, de gauche, de centre-gauche et même des islamistes progressistes représente aujourd’hui l’unique alternative face à Ennahdha. L’hostilité des organisateurs de la manifestation, le mouvement s’explique donc par la crainte qu’inspirent aujourd’hui aux islamistes Caïd Essebsi et ses partisans.
Comme on devait s’y attendre, les médias ont eu aussi leur part des slogans peu amènes. Le député nahdhaoui Habib Ellouz s’est même permis d’appeler «à frapper très fort les médias». Lotfi Zitoun, conseiller politique auprès du chef du gouvernement provisoire ne pouvait rater l’occasion pour y ajouter son grain de sel. Sa haine des journalistes est, on le sait, incommensurable. Et elle éclate, en toute occasion, dans toute sa splendeur.
Le parti au pouvoir persévère donc dans sa cabale contre les journalistes et multiplie les assauts contre les médias, trop libres et indépendants à son goût, espérant les museler et les mettre au service de son projet de dictature.
Une pièce de théâtre mal écrite et mal mise en scène
La manifestation de la Kasbah a aussi apporté la preuve de la connivence désormais criarde entre un parti islamiste prétendument modéré et des groupes salafistes dont l’extrémisme et la violence ne sont plus à démontrer.
Dans cette pièce de théâtre mal écrite et mal mise en scène, la distribution des rôles ne laisse plus aucun doute sur le but visé par les auteurs: créer un écran de fumée et une confusion générale pour escamoter au regard de l’opinion l’incompétence du gouvernement et son bilan désespérément maigre.
Pour parler du sauvetage de la Tunisie, qui passe par l’une des plus mauvaises phases de son histoire contemporaine, il faudra donc repasser.
Reportage photos de Mohamed Mdalla et Safa Ben Yaghlene