7,5 milliards d’euros pour l’Egypte en 2012 et «seulement» 400 millions d’euros pour la Tunisie… en deux ans. Pourquoi l’Union européenne (UE) est-elle plus radine vis-à-vis de la Tunisie?
Par Imed Bahri
Suite à sa rencontre avec le chef d’Etat égyptien, Mohamed Morsi, le président de la Commission européenne, José Manuel Barroso, a annoncé, à partir de Bruxelles, que l’UE accordera une aide de 2,5 milliards d’euros (Mrds€) en faveur du budget de l’Égypte et 5 Mrds€ pour soutenir l’investissement européen dans ce pays.
Un bonus pour l’Egypte
Comparativement, l’UE a prévu une aide de 400 millions d’euros (M€) en faveur de la Tunisie, qui plus est, en deux ans, en 2011 et 2012. Elle a certes doublé ce montant, qui était initialement établi à 240 M€ pour trois ans. Mais même doublé, ce montant reste très en-deçà de celui accordé à l’Egypte et, surtout, des besoins de la Tunisie, 1er partenaire sud-méditerranéen signataire, en juillet 1995, d’un accord instaurant une zone de libre échange avec l’UE, zone du reste déjà en vigueur depuis le 1er janvier 2008 pour les produits manufacturiers.
Hamadi Jebali et le président du Parlement européen, Martin Schulz, le 2 février à Bruxelles.
Certes, l’Egypte est sept fois plus peuplé que la Tunisie. C’est le plus important des partenaires de l’Europe au Moyen-Orient. Les premiers jalons de la construction d’une zone de libre échange entre l’UE et le pays des Pharaons sont sur le point d’être mis en place. Et un petit bonus n’est pas de refus pour Le Caire, qui en vraiment besoin. Il pourrait même faire accélérer le processus de mise en place de la zone de libre échange. Bruxelles, qui veut développer le niveau des échanges commerciaux avec le Caire, un marché de plus de 70 millions d’âmes, a donc toutes les raisons de soutenir fermement la transition politique dans ce pays dont la dimension géostratégique n’est plus à démontrer.
Rafik Abdessalem préfère Doha à Bruxelles
Tout cela se comprend, mais on peut toujours se demander si la Tunisie, avec une diplomatie plus active et plus entreprenante – le ministre des Affaires étrangères Rafik Abdessalem n’a pas encore rendu visite aux grandes capitales européennes, auxquelles il préfère Doha et Ankara! –, la Tunisie n’aurait-elle pas pu obtenir plus et mieux de son principal partenaire économique.
En visite à Tunis le 11 juillet dernier à Tunis, où il a rencontré le chef du gouvernement, Hamadi Jebali, Štefan Füle, le commissaire en charge de l’Elargissement et de la Politique européenne de voisinage (Pev), a cru devoir rappeler le principe du «more for more», au titre duquel l’UE augmente son aide et son assistance en faveur des voisins qui avancent le plus dans les réformes démocratiques et économiques.
Jebali avec Catherine Ashton: le plaidoyer tunisien était faible.
Une autre manière de rappeler, au gouvernement Ennahdha, moins pressé de mettre en route les réformes démocratiques que d’imposer son contrôle sur tous les leviers du pouvoir dans le pays, le principe de la conditionnalité qui sous-tend l’aide européenne à ses partenaires sud-méditerranéens: plus d’aide économique pour plus de démocratie.
Ceci explique-t-il cela? Le manque d’enthousiasme de l’Europe pour la transition politique tunisienne, désormais incertaine, n’a d’égal, à cet égard, que l’indifférence du gouvernement Ennahdha vis-à-vis d’un partenaire historique et stratégique dont les soucis démocratiques lui semblent, peut-être, trop contraignants.