Par Ridha Kéfi
L’affiche officielle du 27e Congrès Vétérinaire Maghrébin, prévu les 10 et 11 avril à Yasmine-Hammamet, est à l’origine d’une vive polémique. A en croire les vétérinaires algériens, leurs homologues tunisiens auraient cherché, à travers cette affiche, à porter atteinte à l’intégrité territoriale de l’Algérie. Ce qui est, bien sûr, très exagéré et mérite d’être nuancé…
La polémique a été déclenchée par le Dr Abderrafik Meddour, maître de conférences à l’Université d’Annaba (Algérie), qui a alerté ses collègues sur ce qu’il a qualifié d’«amputation d’une partie de l’Algérie» (pas moins ?) dont se seraient rendus coupables, à ses yeux, les organisateurs tunisiens de la rencontre de Yasmine-Hammamet. Avant d’appeler ses collègues au boycott de cette manifestation. De quoi s’agit-il ?
C’est, comme on l’a dit, l’affiche officielle du congrès, qualifiée d’«abjecte», qui pose problème. Dans une lettre aux vétérinaires algériens, le Dr Meddour écrit: «Il est de notre devoir de prendre des décisions quand les valeurs sacrées de notre nation sont piétinées sans vergogne par nos prétendus voisins qui déclarent implicitement, à travers l’affiche de ce prochain congrès, le partage de l’Algérie avec le Makhzen» (traduire : le Maroc). Le vétérinaire, qui devait prendre part au congrès, s’indigne que même le territoire de la République sahraouie (sic !), «sous couvert d’un euphémisme graphique ridicule, est aussi intégré dans cette division » (re-sic !).
L’auteur de la lettre ajoute : «Nous, les enfants de cette nation libre…, nous n’accepterons jamais que l’on touche à la moindre parcelle de notre territoire. Nous rappellerons à ceux, en Tunisie, qui ont cautionné un tel graphisme irréfléchi et insensé, que le rêve bourguibien est bien mort et enterré avec son auteur…».
Dr Medddour, qui fait ici allusion à un bien mystérieux «rêve bourguibien», ne trouve pas de mots assez forts pour dire son indignation, annoncer son refus de participer au congrès et appeler ses collègues à le boycotter.
Le Pr Abdelkader Amara, membre de l’Association nationale des médecins vétérinaires tunisiens (ANMVT) et du Comité d’organisation du congrès, a essayé en vain de justifier la «bévue» commises par les organisateurs de la manifestation. Dans une réponse à ses collègues algériens, il a souligné qu’«il s’agit d’une conception infographique involontaire», que l’image incriminée est «composée» et que «c’est surtout le côté artistique qui a été pris en compte (basée sur les couleurs des drapeaux) et non les limites géographiques…». Il a tenu aussi à présenter ses excuses, au nom de tous ses collègues tunisiens, à toutes les associations maghrébines, affirmant que la carte incriminée va être changée sur la banderole principale et les différents documents du congrès. L’affiche du congrès a d’ailleurs disparu du site de l’ANMVT (www.anmvt.org) sur la page dédiée audit congrès.
Cela ne semble pas avoir apaisé la colère de ses collègues algériens, qui continuent de tempêter contre ce qu’ils qualifient de «complot hideux» contre l’Algérie.
Au moment où les relations algéro-marocaines continuent de se détériorer à cause des derniers développements sur la question du Sahara occidental, les vétérinaires tunisiens auraient dû faire preuve d’une plus grande attention et éviter de commettre une étourderie aux conséquences aussi désastreuses. Mais maintenant que le mal est fait, ils devraient tout faire pour rétablir la confiance parmi leurs collègues maghrébins et resserrer leurs rangs en faveur de l’intégration maghrébine. Et non l’inverse.
Les vétérinaires algériens, de leur côté, devraient accepter les explications et les excuses présentées par leurs collègues tunisiens qui, dans le cas d’espèce, ont seulement manqué d’attention et de… professionnalisme. Car, on le sait, les Tunisiens ont toujours veillé à ménager les susceptibilités de leurs voisins en évitant les sujets qui les fâchent. Sur la question du Sahara Occidental, dont ils connaissent l’importance et la gravité aux yeux de leurs voisins algériens et marocains, ils ont toujours observé une neutralité exemplaire. La dernière bévue des vétérinaires ne va sans doute pas mettre en question cette longue tradition.