La visite de Hamadi Jebali à Bruxelles n’aura pas débouché sur de grandes avancées en matière de coopération entre la Tunisie et l’UE. Elle aura surtout été l’occasion pour mesurer le pouls du 1er partenaire de la Tunisie.
Par Wajdi Khalifa, correspondant à Bruxelles
Le Premier ministre a effectué, mardi, en compagnie d’une large délégation ministérielle, sa deuxième visite auprès des institutions européennes. Cette visite vise à rassurer les partenaires européens sur la poursuite du processus démocratique, dans le contexte des derniers événements en Tunisie.
Des conditions à respecter
Cette visite à Bruxelles a été l’occasion pour Hamadi Jebali de rencontrer son homologue belge, le francophone socialiste Elio Di Rupo. L’entretien, qui a duré environ une heure, a porté sur les relations bilatérales et sur l’état d’avancement des réformes politiques, économiques et sociales en Tunisie.
Hamadi Jebali reçu par Elio Di Rupo, son homologue belge.
Dans une déclaration à la sortie de l’entrevue, le Premier ministre belge a précisé avoir indiqué au chef de gouvernement tunisien que «les choses devaient s’améliorer en Tunisie pour les gens avec de l’emploi et une amélioration des conditions sociales». Et Elio Di Rupo de poursuivre: «Pour cela, il y a des conditions à respecter: il faut un Etat de droit, une séparation entre la religion et l’Etat, une égalité absolue entre les hommes et les femmes, la garantie des libertés individuelles, et la liberté de la presse. A cet égard le Premier ministre tunisien m’a assuré que c’est l’évolution dans laquelle s’engage la Tunisie. Ce n’est qu’à ces conditions que la Belgique soutiendra les demandes de la Tunisie pour permettre d’aller plus rapidement vers un renouveau».
A une question de Kapitalis sur le sort des biens du clan Ben Ali en Belgique, le chef de gouvernement belge a déclaré que «selon les informations que nous avons il n’y aurait pas de biens appartenant au clan Ben Ali dans les banques belges mais s’ils devaient y en avoir ils seraient gelés».
Démocratisation et ancrage des valeurs essentielles
Entretien Jebali - Van Rompuy.
Par la suite Hamadi Jebali a rencontré le président du Conseil européen, le belge Herman Van Rompuy. Ce dernier a réaffirmé «le caractère privilégié de la relation entre la Tunisie et l’Union Européenne» et réitéré «le soutien de l’Union européenne à tous ceux et celles qui travaillent pour la démocratisation de la Tunisie et l’ancrage de valeurs essentielles, qu’ils soient responsables politiques, hommes d’affaires, syndicalistes, ou autres membres de la riche société civile du pays».
La rencontre entre les deux responsables politiques a permis de passer en revue les différents axes de coopération, et notamment la mise en place d’un plan d’action pour permettre à la Tunisie d’évoluer vers un partenariat privilégié avec l’UE.
La coopération financière, l’intégration de l’économie tunisienne dans le marché européen et la possibilité de la conclusion d’un partenariat sur la mobilité étaient à l’ordre du jour de cette rencontre.
En conclusion, Herman Van Rompuy a fait part de «son intention d’engager régulièrement le Conseil Européen sur les développements de nos relations avec la Tunisie» et a fait part de sa volonté de visiter la Tunisie dans un avenir proche.
Le partenariat privilégié reporté
Le marathon des rencontres avec les officiels de l’Union européennes s’est poursuivi avec la rencontre du président de la Commission européenne, le portugais José Manuel Barroso.
Jebali à Bruxelles répond aux questions des journalistes.
Dans sa déclaration M. Barroso a tenu à assurer que «l’engagement européen envers une Tunisie démocratique demeure intact».
Concernant les relations de la Tunisie avec l’UE , le président de la Commission a précisé qu’il y avait une «volonté commune de tout faire pour arriver à un accord politique sur le partenariat privilégié à l’occasion du prochain Conseil d’association qui devrait se tenir au mois de novembre» à Bruxelles.
La rencontre a permis la signature de deux accords financiers, dans le domaine de la justice et dans celui des inégalités sociales et des services de soins de santé pour un montant de plus de 35 millions d’euros.
La signature de ces accords s’est faite en présence de Štefan Füle, Commissaire européen chargé de l’Elargissement et de la Politique européenne de voisinage, et, côté tunisien, Alaya Bettaieb, secrétaire d’Etat chargé de l’Investissement et de la Coopération internationale.
Jebali pour le principe d’égalité homme-femme
Au sein du Parlement européen, la Délégation pour les relations avec les pays du Maghreb, a organisé un échange de vues entre les parlementaires européens et Hamadi Jebali. Lors de cet échange, le Premier ministre tunisien a tenu à préciser que la Tunisie était pour le principe d’égalité homme-femme et rejetait toute forme de fanatisme. Il a, dans ce contexte, dénoncé les violences perpétrées contre l’ambassade américaine en précisant que toutes les mesures ont été prises pour poursuivre les responsables devant la justice.
Pour Hamadi Jebali les défis actuels de la Tunisie concernent la redistribution équitable des ressources, la question de l’emploi, la santé et les transports. Sur la question de la migration, il appelé l’UE à avoir une approche commune avec la Tunisie, pour pouvoir prendre en compte les aspects politiques, humains, sociaux et culturels de ce phénomène.
En ce qui le travail de l’Assemblée constituante, M. Jebali a déclaré qu’il y avait un consensus pour que la Constitution soit prête pour le début de l’année 2013. Il a dans ce contexte invité l’UE à former sa mission d’observation électorale en vue des prochaines élections qu’il souhaite «démocratique».
Jebali et Barroso lors de la signature de deux nouveaux accords entre la Tunisie et l'Union européenne.
A la fin de cet échange le Premier ministre tunisien a rencontré le président du Parlement européen, l’allemand Martin Schulz.
Au-delà des deux accords financiers précités, cette visite n’aura pas débouché sur de grandes avancées en matière de coopération entre la Tunisie et l’UE. Elle aura surtout été l’occasion pour le chef de gouvernement de mesurer le pouls du premier partenaire économique de la Tunisie.
Cette visite intervient quelques jours après la nomination de Tahar Chérif (qui n’a pas encore pris ses fonctions) comme nouvel ambassadeur de Tunisie auprès de la Belgique, du Luxembourg et de l’Union européenne.
L’exécutif tunisien n’a donc pas répondu aux différents appels de créer une ambassade ad hoc en charge exclusif du dossier européen.
Cette création d’ambassade, à l’instar du Maroc et de la Turquie, aurait été perçue par le premier partenaire économique de la Tunisie comme une volonté claire de la Tunisie de s’engager dans le processus de rapprochement avec l’Union européenne. Il ne faudra donc pas s’étonner que le partenariat privilégié maintes fois promis aura une nouvelle foi été reporté à une date ultérieure!