Le chef du gouvernement provisoire recourt au même rituel qu’utilisait Ben Ali pour essayer d’absorber la colère des régions déshérités: présider un conseil ministériel consacré à la région en colère. Dont souvent rien ne sort…
La théâtralité de la réunion, la mine grave des responsables, les gesticulations du chef du gouvernement exprimant sa colère ou indiquant la voie à suivre, la télévision qui diffuse les images au 20 heures… Rien ne manque au rituel. On croit revivre, avec Hamadi Jebali, ce qu’on avait déjà vécu, en 2008, lors des événements du bassin minier de Gafsa ou des émeutes de 2010 à Ben Guerdane.
Le coup conseil ministériel restreint
Un conseil ministériel restreint pour énumérer les solutions préconisées par le gouvernement en vue de relancer le développement régional et s’attarder sur les forts louables de l’Etat en faveur de telle ou telle région.
Sur place, là où cela se passe, là où la colère gronde et où les frustrations s’expriment parfois violemment, c’est la police et l’armée qui sont chargées de… charger la population à coups de matraques et bombes lacrymogènes.
Cette réflexion nous a été inspirée en regardant le conseil ministériel restreint tenu vendredi matin au palais du gouvernement à la Kasbah, sous la présidence du chef du gouvernement provisoire Hamadi Jebali, «pour examiner la situation économique et sociale dans le gouvernorat de Tataouine et les moyens de régler le phénomène du chômage, dans cette région», comme le note l’agence officielle Tap, avec exactement les mêmes mots et les mêmes inflexions de phrases utilisés sous Ben Ali.
Ben Ali a inventé le conseil ministériel restreint comme moyen de gouvernement par les effets d'annonce.
Des projets à la pelle : en veux-tu, en voilà!
Dans son communiqué diffusé à l’issue du conseil, la présidence du gouvernement souligne que celui-ci «a décidé des mesures au profit du gouvernorat, notamment dans les domaines de l’emploi, de l’équipement, du transport, de l’agriculture, de l’industrie et du sport.»
«Dans le domaine de l’emploi, le conseil a décidé de placer Tataouine parmi les régions prioritaires dans le cadre du programme spécial conçu à cet effet. Le conseil a également décidé de créer des bureaux locaux de l’emploi à Dhehiba, Remada et Sammar, ainsi qu’une agence de la Banque de financement des petites et moyennes entreprises (Bfpme)», ajoute le communiqué. Qui évoque aussi, en ce qui concerne l’infrastructure, sur «l’aménagement d’urgence du point de passage de Dhehiba, la réhabilitation de la station d’épuration de Tataouine pour un coût de 5 millions de dinars (MD) et l’octroie d’un fonds supplémentaire de 1,8 MD pour le parachèvement de la route locale 1.014 et un autre de 600.000 dinars pour la route locale 1.011 ainsi que la mise en place des canalisations d’écoulement des eaux traitées.»
Dans le secteur du transport, le gouvernement a décidé d’accorder 80 autorisations d’exploitation dans le domaine du transport terrestre, au cours de l’année 2012, la création d’une gare routière régionale à Tataouine relevant de la Société régionale de transport de Médenine, la réhabilitation de l’atelier de maintenance, la création d’une ligne de transport terrestre entre Tataouine et Tunis, la mise en place d’un parking pour les auto-écoles à Tataouine et l’étude de faisabilité d’une ligne ferroviaire.
Dans le domaine agricole, le gouvernement annonce la création d’une zone irriguée de 45 ha, l’étude de la réalisation d’une autre de 40 ha, le démarrage d’une projet intégré de développement pastoral et agricole, pour un coût de 11,3 MD comprenant des pistes vicinales, des puits et des zones irriguées, ainsi que le forage de 3 puits profonds pour l’eau potable, au cours de l’année 2013, le démarrage de l’asphaltage de 3 pistes agricoles sur une distance globale de 55 km et la généralisation de l’indemnité de transport du fourrage à toutes les délégations.
Pour impulser le secteur industriel dans la région, le gouvernement a décidé la création d’un centre sectoriel de formation professionnelle dans les services de l’énergie, au cours de l’année 2013, en coordination avec les sociétés pétrolières, ainsi que la création d’une société de services pétroliers à Tataouine et la création d’une unité de mise en bouteille du gaz liquide à Tataouine.
Au niveau du secteur de la santé, le gouvernement a appelé les médecins spécialistes, notamment ceux originaires de la région, à exercer dans le secteur public dans le gouvernorat. Il a aussi décidé de parachever la construction du nouveau service des urgences à l’hôpital de Tataouine, d’acquérir deux ambulances et d’installer un centre de santé de base dans la localité d’Ouled Boubaker de la délégation de Bir Lahmar.
Mais les effets se font toujours attendre
Jebali recourt aux mêmes rituels inventés par Ben Ali.
Pour compléter ce tableau idyllique de ce que sera Tataouine dans quelques années, le gouvernement annonce la création d’un institut régional de musique à Tataouine, le lancement d’un festival international à Tataouine, le parachèvement de l’alimentation de la piscine de Tataouine en énergie solaire et l’achèvement des projets de terrains et d’installations sportives en cours de construction.
Pour annoncer toutes ces réalisations, dont l’impact ne sera perceptible que dans quelques années, le chef du gouvernement provisoire va se rendre, dans les prochains jours, en visite dans les gouvernorats de Médenine et de Tataouine.
En attendant, les annonces vont se poursuivre en conseil ministériel restreint ou dans les médias. Et les populations des régions vont continuer à faire grève, à manifester, à crier «Dégage!» aux gouverneurs installés par le parti Ennahdha pour… préparer les prochaines élections.
Qui a parlé de révolution en Tunisie?
Imed Bahri