Passages relatifs à la Tunisie extraits de l’article intitulé «Les Salafistes pressent les gouvernements post-Printemps arabe à instaurer un islam ultraconservateur», publié le 7 octobre par ‘‘The Washinton Post’’.

Par William Booth, Karin Brulliard et Abigail Hauslohner

En Tunisie, les salafistes, devenus aujourd’hui nombreux, exhibent fièrement leurs qamis et leurs barbes, mais évitent toute participation démocratique. Une petite minorité parmi eux a conduit des attaques de grande envergure contre des expositions d’art, des bars et autres lieux où ils croient voir un comportement non-islamique. Certains disent qu’ils cherchent à transformer la société en prêchant que l’islam est incompatible avec la démocratie et en rabaissant un gouvernement dirigé par des islamistes qui a explicitement rejeté la charia.

Ansar Al-Charia plantent leur drapeau au fronton de l'ambassade américaine à Tunis.

Les salafistes djihadistes d'Ansar Al-Charia plantent leur drapeau au fronton de l'ambassade américaine à Tunis, le 14 septembre dernier.

En Tunisie, où les dictateurs laïques ont renforcé – disent certains chercheurs – l’islam modéré, le gouvernement élu a cherché à mettre les salafistes sous sa coupe. Ce gouvernement, dirigé par le parti islamiste Ennahdha modérée, a approuvé un projet de loi constitutionnelle interdisant l’«atteinte au sacré» et a légalisé une poignée de partis salafistes, dont un dirigé par un ancien militant qui a désavoué la violence.

Seifallah Ben Hassine et la chasse à l’homme

Il semble cependant que peu salafistes aient marché dans la combine. Au contraire, l’organisation salafiste la plus importante est la branche tunisienne d’Ansar Al-Chariâ, qui n’a que de faibles liens avec son homologue libyenne, estiment certains analystes. Cette organisation, considérée comme non-violente, a néanmoins été accusée d’être l’instigatrice de l’attaque contre l’ambassade américaine à Tunis le mois dernier, et les forces de sécurité tunisiennes ont arrêté des dizaines de ses membres. Les autorités disent qu’elles sont sur les traces de son chef.

Abou Iyadh, le leader des salafistes tunisiens.

Seifallah Ben Hassine, alias Abou Iyadh, le leader des salafistes tunisiens.

Ce chef, Seifallah Ben Hassine, a utilisé l’image de la chasse à l’homme pour décrire une bataille entre population de la Tunisie majoritairement musulmane et le gouvernement postrévolutionnaire. Lors d’un prêche dans une mosquée bondée, trois jours après l’attaque contre l’ambassade, Ben Hassine, un ancien combattant en Afghanistan, a parlé avec mépris de ce qu’il a appelé une «nouvelle dictature» qui dénigre la jeunesse musulmane.

«C’est Dieu qui a créé les causes de cette révolution et contraint le tyran à fuir, et c’est Dieu qui prépare ce qui va arriver bientôt. Faites-lui confiance», a-t-il dit à ses partisans, ajoutant: «Ne soyez pas un instrument entre les mains de ces joueurs.»

Le rêve islamique de rétablissement du califat

Cette rhétorique trouve une certaine résonance chez beaucoup de jeunes, y compris parmi ceux qui ont participé à la révolution.

Les salafistes rappellent à Ghannouchi sa jeunesse.

Ghannouchi dit que les salafistes lui rappellent sa jeunesse: très attendrissant!

"Nous allons réaliser le rêve islamique, qui est le rétablissement du califat. Nous avons un livre pour diffuser nos idées et une épée pour les défendre», a déclaré Bilel Chaouachi, un étudiant de 26 ans diplômé théologie, à Tunis, ajoutant qu'il considère Oussama Ben Laden parmi ses chefs spirituels.

Ses études, a-t-il dit, l’ont amené à conclure que les pays musulmans se sont doublement trompés : ils se sont éloignés de l’islam et ils n’ont pas compris que «l’islam modéré et la laïcité ne sont pas le vrai islam».

Manifestation 14 septembre-2012.

Attaque de l'ambassade américaine, le 14 septembre 2012, par des groupes salafistes djihadistes.

Les salafistes comme Chaouachi disent qu’avant les révolutions du printemps arabe, ils avaient peu d’espace pour respirer. Les régimes répressifs de Hosni Moubarak en Egypte, Zine el-Abidine Ben Ali en Tunisie et Mouammar Kadhafi en Libye régulaient étroitement l’expression religieuse et harcelaient et emprisonnaient, régulièrement, ceux dont l’apparence extérieure trahissait une certaine piété, en particulier les hommes arborant une longue barbe. Cela fait qu’il était impossible de mesurer la force et la popularité de l’idéologie salafiste.

Source: ‘‘Washington Post’’.

Traduit de l’anglais par Imed Bahri

 

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