Les premiers pas de l’ambassadeur Gouyette en Tunisie

Le nouvel ambassadeur de France à Tunis, qui dit apprécier la qualité des élites tunisiennes, avoue être «frappé par la forte polarisation de la société tunisienne», entre traditionnalistes et modernistes, islamistes et laïques…

Par Zohra Abid

Après avoir rencontré les membres du gouvernement, François Gouyette, fraîchement installé en Tunisie, a multiplié les contacts avec les représentants de la société civile, les décideurs économiques et les représentants des médias.

Et c’est autour d’un déjeuner amical à la chancellerie – en présence de ses collaborateurs Michel Tarrain, ministre conseiller, et Marilyne Olszak, son premier secrétaire –, que François Gouyette a eu une causerie avec des représentants de la presse francophone.

Rencontres tous azimuts

Le 14 septembre dernier, l’ambassadeur français a remis une copie de ses lettres de créance à Rafik Abdessalem, ministre tunisien des Affaires étrangères. Une semaine après (le 24 septembre), il a été reçu par le président de la république provisoire Moncef Marzouki, auquel il a remis ses lettres de créances.

Depuis, il a eu une série de rendez-vous avec d’autres membres du gouvernement dont le ministre de la Justice Noureddine Bhiri (le 24 septembre), puis ceux des Finances par intérim (Slim Besbes) et de l’Intérieur (Ali Lârayedh), avant de rencontrer, le 5 octobre, le président de l’Assemblée nationale constituante (Anc) Mustapha Ben Jaâfar, et le même jour, le chef d’état-major des armées, le général Rachid Ammar. Le 9 octobre, M. Gouyette a été reçu par le chef du gouvernement provisoire Hamadi Jebali. Il a notamment rencontré les membres de la Ligue des droits de l'Homme (Ltdh) et ceux de l'association Al-Bawsala.

Entre enthousiasme et vigilance

L’ambassadeur français a confié qu’il est arrivé juste la veille du 14 septembre, jour de l’attaque de l’ambassade et de l’école américaines. Selon lui, il s’agit «d’une date noire qui a trop affecté l’image de la Tunisie».

 François Gouyette souhaitant la bienvenue aux représentants des médias.

François Gouyette souhaitant la bienvenue aux représentants des médias.

S’il appréhende sa nouvelle mission en Tunisie avec un certain «enthousiasme», le chef de la représentation diplomatique française avoue demeurer «vigilant» quant à l’évolution de la situation dans la Tunisie post-révolution. L’ambassadeur a peut-être été rassuré, une semaine après son arrivée, lorsque le ministère de l’Intérieur a veillé sur la sécurité de l’ambassade de France, au centre-ville de Tunis, suite à la publication des caricatures du prophète Mohamed par l’hebdomadaire français ‘‘Charlie Hebdo’’.

M. Gouyette a profité de sa rencontre avec les médias pour souligner la qualité des élites tunisiennes. «Ici, hommes et femmes sont très remarquables», a-t-il précisé. Et d’ajouter qu’il a de nombreux amis en Tunisie, un pays qu’il connaît bien, mais qu’il est aussi «frappé par la forte polarisation de la société tunisienne», entre traditionnalistes et modernistes, islamistes et laïques.

La Tunisie et le modèle turc

La Tunisie d’aujourd’hui a rappelé à son excellence son passage diplomatique, à Ankara, lors de la révolution turque. «Il y a 15 ans, alors que je n’étais pas encore ambassadeur mais numéro 2 en Turquie, j’ai  vécu une situation similaire. C’était la première expérience du premier gouvernement de coalition en Turquie», se souvient-il. L’expérience avait suscité, également, une grande fracture sociale.

«Il y avait, à l’époque, deux Turquie, celle des islamistes et celle des modernistes, deux sensibilités, deux camps, et les choses se présentaient toujours différemment dans les deux parties», a-t-il relevé.

Selon lui, dans cette Turquie, même s’il y avait des éléments de rapprochement, la polarisation excessive empêchait le dialogue et ne servait pas, de ce fait, les intérêts de la société dans son ensemble.

Pour éviter d’être mal compris, l’ambassadeur a tenu cependant à préciser qu’il n’est pas venu à Tunis «pour faire la promotion du modèle turc, loin de là, mais pour rassurer le gouvernement tunisien et développer davantage le partenariat, déjà solide, entre les deux pays»

Interrogé sur les relations franco-tunisiennes, quelque peu bousculées par la révolution du 14 janvier 2011, en raison des relations privilégiées qu’entretenait la France, sous les présidences de Jacques Chirac et Nicolas Sarkozy, avec le régime de Ben Ali, l’ambassadeur a dit que le gouvernement français a pris langue avec son homologue tunisien et qu’il a constaté chez ses hôtes une forte volonté de continuer à coopérer comme avant.

«Je suis nommé pour accompagner la transition tunisienne, être à l’écoute des Tunisiens et défendre les valeurs communes», a signalé l’ambassadeur, rappelant que tous les partenaires de France, dont les Etats de l’Union européenne, sont attachés à ces valeurs universelles.

François Gouyette au milieu de Hélène Hamouda et Etienne Chapon.

François Gouyette au milieu de Hélène Hamouda et Etienne Chapon.

La France, partenaire de taille

Sans se déparer de la réserve qu’impose son statut diplomatique, M. Gouyette a admis que la Tunisie a traversé une année 2011 difficile, en raison des retombées négatives de la révolution sur certaines activités économiques. Pour aider notre pays à traverser cette période difficile, la France a décaissé au profit de la Tunisie 180 millions d’euros en 2011. La coopération s’est développée dans tous les domaines, et notamment dans l’enseignement supérieur et la recherche scientifique.

L’ambassadeur est revenu brièvement sur son premier déplacement professionnel en Tunisie, le 8 octobre à Sousse, où il a rencontré les autorités régionales ainsi que la communauté française résidant dans cette ville touristique du centre-est et visité le musée de l’antique Hadrumète. La valorisation du patrimoine compte beaucoup «dans la coopération franco-tunisienne et constitue un facteur clef pour le développement», a conclu M. Gouyette qui, nous n’en doutons pas, ne manquera pas de visiter d’autres régions du pays et d’apprécier leurs richesses archéologiques.