mohamed talbi
Il suffit de lire la Torah pour «comprendre pourquoi nos frères Juifs nous tuent avec tant d’atrocité, au phosphore blanc», écrit Mohamed Talbi, par allusion à la dernière guerre israélienne contre Gaza.


Dans son dernier ouvrage, ‘‘Gaza: Barbarie biblique ou de l’extermination Sacrée et humanisme’’, dédié aux victimes de l’enclave palestinienne et publié à compte d’auteur, et qui représente la troisième et dernière partie de son «testament», le célèbre islamologue tunisien s’insurge contre le dialogue islamo-chrétien dont il était, jusqu’à récemment, l’une des figures de proue du côté musulman.

La haine de l’«abominable Mahomet»
mohamed talbiCe «dialogue sucré», Talbi avoue s’y être «donné corps et âme», mais, ajoute-t-il, «il s’est révélé mépris et tricherie.» Ce ne fut qu’«une tactique dans une stratégie invariante», un énième épisode dans «une longue tradition de constante confrontation, qui avait souvent dégénéré en affrontements armés.»
En réalité, affirme l’islamologue tunisien, «tout ce qu’écrit le Christianisme, depuis le Père de l’Eglise Jean Damascène jusqu’à Benoît XVI, est frappé du sceau du mépris et de la confrontation [pour et avec l’Islam].» Il ajoute: «A part quelques Ong laïques et sans faire d’amalgame, lorsqu’il s’agit de l’Islam, conviction de foi et pratique, tout ce qu’écrit le Judéo-Christiano-Orientalisme, auquel il faut ajouter aujourd’hui le Désislamisme, coule nécessairement de la même source: la haine pour l’imposteur et abominable Mahomet, et pour son abjecte Alcoran, livre de violence et de malfaisance.»
Talbi affirme avoir écrit son livre pour démontrer, textes à l’appui, que, contrairement à ce qu’affirment les thèses judéo-christiano-orientalo-désislamistes, le Coran n’est pas violence. Le Coran est même «foncièrement Paix». Et l’universitaire de démontrer, en les citant abondamment, que les textes de la Bible et de la Torah sont, eux, véritablement porteurs d’une extrême violence. Il fallait seulement lire ces textes pour s’en rendre compte.

«Hautes Valeurs», crimes de guerre et barbarie
«L’Occident est fier de ce qu’il appelle ses Valeurs judéo-chrétiennes. Il nous dit: ‘‘Nous  avons des Valeurs !’’. Cela implique que nous n’en avons pas», note Talbi. Or, ajoute-t-il, au chapitres des «Hautes Valeurs, nous ne découvrons, textes à l’appui, que crimes de guerre et barbarie. Il n’y a pas de quoi pavoiser et chanter cocorico sur les ergots dressés. Les textes que nous citerons sont si horribles, que nous n’exagérons pas. Dans cet ouvrage nous nous limitons à confronter les textes, pour mettre en évidence l’humanisme du Coran et la barbarie de la Bible, sans chercher à convaincre ceux qui à nos yeux sont de mauvaise foi têtue et évidente.»
Dans sa guerre contre les adversaires de l’Islam, Talbi appelle la «Umma» islamique à comprendre l’histoire, «dont l’actualité n’est que le prolongement». Et tout en lui demandant de réagir «en conséquence», il lui rappelle que «son rôle est d’être médiatrice, porteuse d’un Message de Paix, et d’Humanisme à toute l’humanité, en témoignant du Coran.» Car, ajoute-t-il, «la mission de la Umma est d’humaniser le monde, et elle ne peut le faire que si elle rénove et dépoussière sa pensée, par une lecture sans cesse actualisée du Coran sans cesse revisité.»

Penseur libre en Islam
islam moderneNé à Tunis en 1921, Mohamed Talbi est le premier doyen de la faculté des lettres de l’Université de Tunis en 1955. Il soutient à la Sorbonne à Paris sa thèse de doctorat d’histoire sur les Aghlabides en 1968. Également agrégé d’arabe, il deviendra un historien spécialiste du Moyen-Âge et du Maghreb.
Devenu islamologue, il prône une lecture vectorielle du Coran qui consiste à prendre en compte l’intentionnalité du livre saint et non pas les jugements émis à une époque révolue. Parmi ses ouvrages: ‘‘Ibn Khaldûn et l’Histoire’’ (Tunis, 1973), ‘‘Réflexions sur le Coran’’ (avec Maurice Bucaille, Paris, 1989), ‘‘Un respect têtu’’ (avec Olivier Clément, Paris 1995), ‘‘Plaidoyer pour un islam moderne’’ (Paris, 1998), ‘‘Penseur libre en Islam’’ (Paris, 2002), ‘‘Universalité du Coran’’ (Arles, 2002), ‘‘Ummat al Wassat’’ (Tunis, 2006), ‘‘Afin que mon cœur se rassure’’ (Tunis, 2010) et ‘‘L’Islam n’est pas voile, il est culte’’ (Carthage, 2010).
Les dernières positions de Talbi, reniant le dialogue islamo-chrétien, et ses affirmations tranchées sur l’islamophobie consubstantielle de la civilisation occidentale, laquelle se veut exclusivement judéo-chrétienne, vont sans doute lui valoir le boycott des medias occidentaux qui, il n’y a pas si longtemps, lui tressaient encore des lauriers et le présentaient comme un penseur libre et éclairé dans un monde islamique plongé dans les ténèbres. Ce qui, d’une certaine façon, confortera Talbi dans sa volte-face.

 

Imed B.