Tunisie. Le ras-le-bol de la police

Les agents des forces de l'ordre dénoncent la multiplication d'agressions ciblant leur corps et observent un sit-in d'une petite heure, jeudi, partout dans le pays.

Par Zohra Abid

Selon l'Union des syndicats des forces de sûreté nationale, l'appel a été suivi par 70 à 80% de leurs collègues, chacun sur son lieu de travail.

A Tunis, devant la bâtisse grise de l'avenue Habib Bourguiba, siège du ministère de l'intérieur, les citoyens ont apporté leur soutien aux agents de sécurité.

Un cadre de la police offre des fleurs aux passants.

Un cadre de la police offre des fleurs aux passants.

Le ministère de l'Intérieur fermé à... la police

Premier constat: la porte du ministère de l'Intérieur était fermée. Second constat : à part les quelque centaines d'agents de police rassemblés près de leurs collègues de l'armée sur le trottoir d'en face, des politiques et des militants de la société civile ainsi que de simples citoyens de passage ont tenu à montrer leur solidarité.

«Je suis venue pour exprimer ma solidarité à la police sur laquelle on compte pour veiller sur la Tunisie. Sans eux, le pays sera foutu. Il y a certes un petit groupe malsain, comme il existe dans le corps de la magistrature et celui des avocats ou dans l'administration ou autres corps, mais la plupart sont des gens qui s'exposent à tous les dangers pour assurer notre sécurité», a dit à Kapitalis, la militante Radhia Nasraoui, qui a été agressée – verbalement – par un petit groupe lui reprochant ses déclarations dans les médias sur la police, lors de l'affaire du viol de la fille par des policiers à Aïn Zaghouan dans la nuit du 3 au 4 septembre.

Les citoyens et les agents de sécurité fraternisent

Les citoyens et les agents de sécurité fraternisent

«Ceci ne m'a pas perturbée, mais j'avoue que nombre de leurs collègues m'ont accompagnée jusqu'à ma voiture en me demandant même pardon et ils m'ont même félicitée pour mon combat. Car, la majorité fait tout pour changer et devenir une sécurité républicaine», a ajouté la présidente de l'Association tunisienne de lutte contre la torture (Atlt).

Plaider pour une police républicaine

Présents aussi des figures de l'Union générale tunisienne du Travail (Ugtt), du Parti des Travailleurs, en l'absence remarquée de son leader Hamma Hammami. Et pour cause. «Il a un meeting à Sousse sinon il aurait pris part au sit-in», a expliqué Me Nasraoui, son épouse.

Nous sommes au siège du Syndicat de la police. Ici, il y a du monde. Une conférence de presse se tient en présence d'un grand nombre de syndicalistes et de l'élu de l'opposition Mahmoud Baroudi. Le souhait exprimé par tous les présents, c'est que le corps de la sécurité devienne républicain. Selon l'un des conférenciers, il n'est plus question de rouler pour n'importe quel parti. Il s'agit d'être neutre et de n'avoir qu'un seul souci: défendre les citoyens.

«C'est ce que doit le comprendre l'actuel gouvernement», a expliqué l'un des responsables du syndicat de police. Et d'ajouter: «Aujourd'hui, nous avons des collègues en prison parce qu'ils ont suivi les ordres de l'ancien régime. Demain, il y aura un autre régime et nous ne voulons pas payer les frais et être contre le peuple».

Le constituant Mohamed Baroudi solidaire des agents de la sécurité

Le constituant Mohamed Baroudi solidaire des agents de la sécurité.

Le constituant Mahmoud Baroudi, qui a promis de défendre cette thèse au sein de l'Assemblée nationale constituante (Anc), a ajouté: «Nous ne demandons que cela. Et je suis là pour soutenir ce mouvement. Il ne faut pas oublier que c'est la police qui veille sur les biens et la sécurité des citoyens. Je félicite ces Tunisiens qui ont observé leur sit-in d'une manière civilisée et sans perturber la vie de quiconque en bloquant des routes et qui n'ont pas dépassé une heure de sit-in».

Des roses et des mots de sympathie

Il est temps que «la Tunisie ait une police républicaine sinon on serait loin de la démocratie», a dit aussi le constituant, en déplorant le nombre impressionnant d'agressions sur les agents de sécurité. On parle de 600 agressions depuis le début de l'année, et de plusieurs morts lors des opérations de sécurité.
11H30, des citoyens de passage dans l'Avenue se sont joints aux policiers sit-inneurs et scandé des slogans en faveur d'une police républicaine. Des militaires et des agents de sécurité offrent des roses aux passants, qui ont oublié, comme par miracle, leurs griefs contre la police.