Tunisie-Union Européenne: un partenariat privilégié pour quoi faire?

Tunis et Bruxelles ont signé aujourd'hui un accord politique pour un «partenariat privilégié». Les uns attendent des financements, les autres des réformes. Bonjour les malentendus...

Par Wajdi Khalifa, correspondant à Bruxelles.

 La 9e session du Conseil d'association Tunisie-Union européenne (UE) s'est tenue lundi au siège du Conseil européen (Bruxelles).

C'est le 1er conseil depuis la révolution, marqué par l'accord politique sur un nouveau plan d'action entre l'UE et la Tunisie. Ce plan, qui prend la forme d'un partenariat privilégié, va définir le cadre juridique pour la coopération et sera valable pour la période 2013-2017, avec une possibilité de prolongation.

Rafik Abdessalem daigne enfin se rendre à Bruxelles!

Après les deux visites du Premier ministre tunisien Hamadi Jebali, en février et octobre dernier, c'est donc au tour du ministre des Affaires étrangères Rafik Abdessalem d'effectuer sa première visite à Bruxelles (il était temps, près d'un an après sa nomination, qu'il coche la «capitale» de l'Europe dans son calendrier entre deux voyages au Qatar!), pour présider un nouveau round de négociation entre la Tunisie et l'UE.

Réunion de travail précédant la signature de l'accord.

Réunion de travail précédant la signature de l'accord.

Outre de Rafik Abdessalem, la délégation tunisienne était composée du ministre de l'Investissement et de la Coopération internationale Riadh Bettaieb, et de Tahar Chérif, directeur Europe au ministère des Affaires étrangères et futur ambassadeur de Tunisie en Belgique et auprès des instances européennes.

Notons l'absence remarquée du secrétaire d'Etat auprès du ministre des Affaires étrangères chargé des Affaires européennes Touhami Abdoulli.

Du côté européen, la rencontre a été présidée par la ministre des Affaires étrangères chypriote Erato Kozakou-Markoullis, dont le pays assure la présidence du Conseil européen, en présence du Commissaire européen en charge de l'Elargissement et de la Politique de voisinage, le tchèque Stefan Füle, et de Laura Baeza, la nouvelle ambassadrice de l'UE à Tunis.

Les différentes parties se sont donc mis d'accord sur un accord politique d'un partenariat privilégié entre la Tunisie et l'UE, signé à cette occasion.

Riadh Bettaieb, Rafik Abdessalem, Erato Kozakou-Markoullis et Stefan Füle.

Riadh Bettaieb, Rafik Abdessalem, Erato Kozakou-Markoullis et Stefan Füle.

Cet accord va offrir, via un plan d'action, une ligne de conduite à adopter par la Tunisie pour une réforme complète dans tous les domaines afin de garantir une meilleure coopération avec le premier partenaire économique de la Tunisie et qui représente plus des deux-tiers de ses échanges commerciaux, des investissements étrangers, des flux touristiques, etc.
Marquer la rupture avec l'ancienne Tunisie

Notons que ce concept de «partenariat privilégié» a été introduit au lendemain de la révolution, sur proposition de la partie tunisienne, pour indiquer l'ambition des deux parties d'une nouvelle étape dans les relations bilatérales.

Pour un membre du cabinet de la Haute représentante de l'Union pour les affaires étrangères Catherine Ashton, «on parle de partenariat privilégié et plus de statut avancé pour marquer la rupture entre la nouvelle Tunisie et l'ancienne, avec laquelle l'UE avait entamé des négociations en vue de ce statut avancé.»

Dans son intervention, Stefan Füle a déclaré : «Lors de ma dernière visite à Tunis, en juillet dernier, j'avais parlé de quatre points de coopération à réaliser: le partenariat privilégié, un plan d'action, une négociation des accords commerciaux et un accord sur l'OpenSky. Aujourd'hui, nous concrétisons le premier point et je reste confiant pour les autres points. Nous sommes donc sérieux dans nos promesses. Nous voulons conclure des accords qui soient bénéfiques pour les deux parties La réussite de la transition va nécessiter beaucoup d'efforts mais vous n'êtes pas seuls nous sommes prêt à vous aider».

A la question de Kapitalis sur la possibilité pour la Tunisie d'ouvrir une ambassade ad hoc avec la charge exclusive des affaires européennes pour pouvoir encadrer ce nouveau partenariat, la réponse du ministre des Affaires étrangères tunisien Rafik Abdessalem a été laconique, affirmant que la question n'était pas d'actualité mais prématurée à ce stade!

EUROPE3

Conférence de presse de Rafik Abdessalem.

Pour sa première visite en Belgique, Rafik Abdelssallem a rencontré son homologue belge, Didier Reynders, ancien Consul de Tunisie à Liège. Les deux ministres ont discuté des relations bilatérales, de la transition politique en Tunisie, des relations UE-Tunisie, de la situation en Libye et au Mali ainsi que la crise à Gaza. Le ministre belge a félicité la Tunisie pour la signature du plan d'action qui s'inscrit dans le cadre du partenariat privilégié.

Bonjour les palabres...

Reste que la signature de l'accord est une chose et sa mise route effective en est une autre. Il va falloir maintenant que chaque partie respecte ses engagements. En ce qui concerne la Tunisie, la libéralisation des secteurs de l'agriculture et des services (notamment l'Open Sky pour le trafic aérien) va être une décision difficile à prendre et qui risque d'avoir des impacts catastrophiques sur l'économie du pays.

Il y a aussi les réformes politiques à mettre route (des médias, de la magistrature, etc.) et qui devraient permettre à la Tunisie de se mettre aux standards internationaux en matière de respect des libertés, des droits de l'homme et de bonne gouvernance. Et cela, on l'imagine, ne va pas être une sinécure avec le gouvernement islamiste actuel, qui fait traîner toutes les réformes, s'il ne cherche pas à les vider de toute leur substance.

EUROPE4

Poignée de main de Rafik Abdessalem et Didier Reynders.

A Tunis, on a tendance à penser que partenariat privilégié signifie plus d'aide financière de la part de l'Union européenne, or celle-ci voit les choses autrement : vu de Bruxelles, le partenariat privilégié signifie, en effet, plus de... réformes démocratiques de la partde la Tunisie.

En d'autres termes, aussitôt finis les cérémonies et les salamalecs, bonjour les malentendus et les tergiversations?