Tunisie. Moncef Marzouki en visite «bien encadrée» à Mahdia

En revoyant, mardi soir, les images de la visite de Moncef Marzouki à Mahdia, les Tunisiens ont cru assister au remake des visites éclairs, très encadrées, qu'effectuaient l'ex-dictateur à l'intérieur du pays.

Par Imed Bahri

Le président de la république provisoire Moncef Marzouki daigne enfin sortir de son palais pour aller à la rencontre de son peuple. Il ne va pas à Gafsa, Sidi Bouzid, Kasserine, Siliana ou Gabès, où il aurait été accueilli, à coup sûr, avec des «Dégage!» bien sonores. Il préfère aller à une ville côtière présumée calme et prospère: Mahdia. Mais là aussi, la colère des populations était, ce mardi, au rendez-vous et les forces de sécurité ont du bien sécuriser les endroits où passait le président pour éviter des explications qui s'annonçaient bien chaudes.

Marzouki à la rencontre des cadres régionaux de Mahdia...

Des invités tirés sur le volet

La visite, effectuée au pas de charge, était aussi, comme au temps de Ben Ali, bien encadrée par les autorités locales, à commencer par le gouverneur de Mahdia, qui s'est arrangé pour que les invités aux rencontres avec le président soient tirés sur le volet.

Comme on pouvait d'ailleurs s'y attendre (il n'y a que M. Marzouki pour ne pas s'en être rendu compte !), la parole ne fut donnée qu'à ceux dont monsieur le gouverneur était sûr qu'ils n'allaient pas importuner le président. Ce dernier était, d'ailleurs, venu pour annoncer les bonnes nouvelles et charger un baudet appelé Ben Ali. Tant qu'à faire...

Imaginez qui donne la parole aux présents!

Les protestataires, les insatisfaits et les incrédules parmi les Mahdois étaient, quant à eux, tenus à distance, leurs voix inaudibles, leurs frustrations bues et leurs questions sans réponses.

Et M. Marzouki de pérorer du haut des tribunes et de distribuer les bons et, surtout, les mauvais points: difficile, décidément, d'être président quand on est, profondément, un opposant par vocation. «Les indicateurs de développement en Tunisie ont évolué et la situation sécuritaire s'est améliorée», a affirmé M. Marzouki.

Marzouki aux Mahdois: "Tous va bien".

L'artisan du changement du 23 octobre et les vilains canards!

Oui, mais quoi encore monsieur le président? «Les difficultés rencontrées durant les deux dernières années dans le pays sont une conséquence de la phase transitoire et des actions des forces contre-révolutionnaires qui s'emploient à entraver le processus de transition démocratique», a martelé M. Marzouki.

Ah les vilains canards, mauvais perdants, empêcheurs de tourner en rond, et qui perturbent le sommeil de son altesse de Carthage!

Marzouki en tournée dans les tuelles de la Médina de Mahdia.

«Tous les secteurs d'activité traversent une période de remise en forme et demandent de la patience pour obtenir des résultats», poursuit le locataire du Palais de Carthage, imperturbable et très sûr de ses informations.

D'ailleurs, à l'en croire, les Tunisiens doivent s'estimer heureux: grâce à la politique clairvoyante de l'artisan du changement du 23 octobre 2011, et malgré les problèmes conjoncturels (c'est peanuts!), «on peut assurer que la Tunisie a évité de sombrer dans la faillite tel qu'en Grèce actuellement».

Ouf, on l'a donc échappé belle. Merci qui?

Marzouki a-t-il fait baisser les prix des tomates et des piments verts à Mahdia?

«Attendez, dans 4 ou 5 ans, tout ira mieux»!

Même discours auto-satisfait en direction des hommes d'affaires de la région : c'est à eux de se bouger un peu et de contribuer à l'impulsion de la dynamique économique à Mahdia à travers la création de nouveaux projets. Et renvoyez la musique: «La situation sécuritaire s'est améliorée, le processus politique avance à pas sûrs et les promoteurs économiques doivent réaliser des investissements», a rassuré le président.

Et la sécurité, et les problèmes fonciers de certaines exploitations agricoles, qui ont provoqué récemment des violences dans la région, et les unités de production en difficulté, et les taxes imposées à l'exportation sur les produits de la mer, et les carences de la zone industrielle de Mahdia et le tourisme qui tarde à décoller dans une région ne manquant pourtant pas d'atouts naturels et culturels.

Marzouki s'offre un très bref bain de foule...  avec gardes du corps. 

«Attendez, dans 4 ou 5 ans, tout ira mieux», répétait le président de la république provisoire, qui semble tabler sur la durée pour que le peuple ressente enfin les fruits de son règne. S'ils étaient assurés du résultat, les Tunisiens lui accorderaient 23 ans. Tant qu'à faire... lui ou un autre...

En revoyant, mardi soir, les images de cette visite sur la chaîne Tunis 7 (pardon Watania 1 !), les Tunisiens ont cru assister au remake des visites éclairs très encadrées qu'effectuaient l'ex-dictateur, très rarement du reste, à l'intérieur du pays. Et la déception fut grande... C'est un euphémisme.