Un projet de loi organique proposé par Ennahdha pour soi-disant «protéger la révolution», vise en réalité à verrouiller le champ politique à l'avantage du parti islamiste au pouvoir.
Le projet en question a été présenté vendredi à l'Assemblée nationale constituante (Anc) par le groupe parlementaire du mouvement Ennahdha soutenu par quatre autres blocs: le Congrès pour la République (CpR), le mouvement Wafa, Dignité et liberté et les Indépendants libres, ainsi que des élus indépendants. Il sera bientôt examiné et discuté en plénière.
Une «liste noire» en cours d'élaboration
On notera que le groupe Ettakatol, membre de la «troïka» au pouvoir a préféré rester à l'écart de cette initiative qui vise à verrouiller le champ politique au profit du seul parti islamiste au pouvoir.
Le président du groupe Ennahdha Sahbi Atig a indiqué, lors d'une conférence de presse à l'Anc, que ce projet vise à interdire à tous ceux qui ont occupé un poste au gouvernement sous le régime de Ben Ali, adhéré aux instances du Rassemblement constitutionnel démocratique (Rcd) dissous, ou appelé à la réélection de Ben Ali pour 2014, de se présenter à l'élection présidentielle ou de présider ou faire partie du gouvernement.
Ce projet de loi organique, composé de 11 articles, interdit également aux personnes précitées de se porter candidates au parlement, d'être élues ou de présider les conseils municipaux, d'accéder à des postes diplomatiques, ou à la fonction de gouverneur, de délégué ou encore d'être membres des structures centrales d'une instance constitutionnelle prévue dans la nouvelle Constitution. Il leur interdit également d'assurer la présidence d'un parti politique, d'adhérer à ses structures dirigeantes ou à ses instances fondatrices. La durée d'interdiction est de 10 ans à partir de la date d'entrée en vigueur de la loi organique, a précisé M. Atig. «Ce projet de loi ne vise personne», a-t-il soutenu, mais a pour objectif de «protéger la révolution de ses ennemis, et de ceux qui ont opprimé les Tunisiens».
Caïd Essebsi, Morjane, Jegham et les autres
En vérité, les cibles de ce projet de loi sont évidentes : les personnalités issues de l'ancien système, et qui cherchent à se repositionner dans le champs politique post-révolution, tels que l'ancien ministre de l'Intérieur Mohamed Jegham, l'ancien ministre des Affaires étrangères Kamel Morjane, l'ancien ambassadeur en Espagne et en Chine Mohamed Sahbi Basli ou même l'ancien Premier ministre Béji Caïd Essebsi, Leader de Nida Tounes, qui fut président de la Chambre des députés sous Ben Ali (1989-1991).
Il a, en outre, nié que ce projet soit dirigé contre le parti d'opposition Nida Tounes, indiquant toutefois que s'il est adopté par l'Anc, «la justice tranchera».
Concernant l'opportunité d'une telle loi, M. Atig a expliqué que son mouvement ainsi que plusieurs autres partis considèrent que «le Rcd dissous cherche à récupérer la révolution à travers d'autres partis nouvellement créés».
I. B. (avec Tap).