Comment Rached Ghannouchi et les islamistes ont imposé les règles de la transition démocratique qu'ils ont ensuite piétinées sous leurs pieds... pour faire le lit d'une nouvelle dictature.
Par Rachid Barnat
Lors de son interview sur Nessma, Béji Caïd Essebsi a fait un petit rappel... qu'il est intéressant de rappeler.
Lors de la manifestation Kasbah 2, les «manifestants» ont scandé : «Nous voulons une nouvelle constitution». Manifestants, soit dit en passant, manipulés et infiltrés par Ennahdha!
Rached Rached impose ses conditions...
BCE, n'en voyant pas l'utilité, était contre: il suffisait, selon lui, de faire un lifting à celle de 1959, pour la débarrasser des articles commandés «sur mesure», puisqu'elle était bien faite et peut encore servir. Mais en démocrate, il s'est plié à la volonté du «peuple»...
Il a ainsi convoqué 48 partis (les plus importants) pour organiser la suite à donner à cette demande du «peuple». L'accord obtenu stipulait:
- l'organisation d'une élection en vue d'une constituante qui se chargera dans un délai d'un an maximum de rédiger une nouvelle constitution;
- le maintien du gouvernement provisoire de BCE;
- le maintien de Fouad Mebazaa au poste de président de la république provisoire.
Assurant ainsi la transition jusqu'aux élections législatives et présidentielles dont les dates seraient communiquées par l'Anc!
Quelques partis dont Ennahdha ont refusé cet accord.
BCE a demandé à Yadh Ben Achour de s'en occuper et de voir comment organiser l'élection d'une constituante, le code électoral et les élections...
M. Ben Achour a pu, après des palabres interminables, obtenir à l'arraché l'engagement de 11 partis, dont celui d'Ennahdha qui a finalement imposé ses conditions:
- élection d'une constituante, dont le mandat est d'un an, mais qui formera un gouvernement à partir de ses membres, et désignera un président de la république sorti de ses rangs, et pour assurer des élections «non trafiquées» et rassurer Rached Ghannouchi, président du parti islamiste, l'Instance supérieure indépendante pour les élections (Isie) fut crée, première en son genre !
En somme c'était ce que voulait Ghannouchi depuis le début.
Qu'il transgresse lui-même allègrement...
Assuré par les pétrodollars de l'émir du Qatar de gagner les élections, M. Ghannouchi a préparé ainsi le terrain pour installer ses hommes dans le paysage politique en lieu et place de Caïd Essebsi et de Fouad Mebazaa...
Et voilà comment un homme intègre et intellectuellement honnête va faire confiance à un vieux loup en politique : Ghannouchi... et se faire avoir... et les Tunisiens avec!
Le 23 octobre 2011, malgré une campagne électorale scandaleuse, Ennahdha est arrivée en tête mais n'a pu obtenir la majorité!
La suite on l'a découverte au-jour-le-jour : une fois au pouvoir, Ghannouchi a mis de côté ses 360 résolutions sur lesquelles il a fait campagne, pour instiller puis tenter d'imposer son programme de toujours : la chariâ!
Caïd Essebsi et Ben Achour ont pensé avoir traité avec un honnête homme! Ils lui ont fait confiance, d'autant qu'il leur a donné sa parole et signé un engagement que la constituante respectera le délai d'un an! Mais Ghannouchi les a eu au bluff!
Le 23 octobre 2012, Ghannouchi et ses hommes ont réussi un autre coup de bluff pour se maintenir au pouvoir en jouant d'une légitimité qu'ils n'ont plus, pour jouer les prolongations!
L'opposition, sous la houlette de l'Ugtt, a bien voulu proroger le mandat des constituants et donc de la troïka en y mettant, toutefois, des conditions :
- dissolution des comités de protection de la révolution;
- remplacement à la tête des ministères régaliens (Intérieur, Justice et Affaires étrangères) des actuels ministres par des hommes «neutres», voire par des technocrates;
- mise en route de l'organisme qui doit remplacer l'Isie;
- un agenda pour la remise du texte définitif de la Constitution et des dates pour les élections...
Les forces démocratiques piégées par leur intégrité
Mais, une fois de plus, l'opposition et l'Ugtt se sont faites avoir, puisque forts de la reconduction de leur «légitimité», Ghannouchi et ses hommes ne respecteront aucune de leurs conditions. Narguant même l'opposition et l'Ugtt par la légitimité qu'ils détiendraient du peuple et de l'inamovibilité des ministres puisqu'ils sont au service d'un gouvernement légitime! Quant à l'Isie, ils ne semblent pas en faire une priorité... le temps pour eux de trouver le moyen d'organiser des élections «truquées»... voire même de les annuler purement et simplement! En somme, ils se moquent de tous les Tunisiens, y compris leurs électeurs!
Et voilà comment aura manœuvré Ghannouchi pour arriver au pouvoir; et maintenant pour y rester en dupant des hommes qui lui ont fait confiance !
C'est pourquoi BCE semblait déterminé à ne plus se laisser abuser par des gens qui ne respectent rien, à commencer par leurs propres engagements!
L'opposition et toutes les forces vives de la Tunisie, dont l'Ugtt et toutes la société civile, feront-elles bloc avec BCE... pour une sortie politique de la crise exacerbée par les évènements de Siliana et l'assassinat de Tataouine?
Pourtant il le faut, car les Tunisiens n'en peuvent plus de leur attentisme... et risquent de rentrer dans une nouvelle révolte pour «dégager» ceux qui, à l'évidence, veulent s'imposer par la force et instaurer un nouvelle dictature en Tunisie.