Tunisie : Kamel Eltaïef accuse le pouvoir de lui préparer un procès politique Dans une interview à l'Afp, l'homme d'affaires tunisien Kamel Eltaïef accuse des responsables du pouvoir de vouloir lui intenter un procès politique et affirme être dans le collimateur de milices islamistes.

M. Eltaïef, ancien ami du président déchu Ben Ali qui a rompu avec ce dernier en 1991 pour de rapprocher de l'opposition, a affirmé: «Des responsables du parti islamiste Ennahdha (au pouvoir) et ses alliés de gauche veulent m'envoyer en prison pour des raisons purement politiques».

Interdit de voyage en novembre dernier après l'ouverture d'une enquête pour «complot contre la sûreté de l'Etat», M. Eltaïef se dit «victime d'un procès politique, le premier en Tunisie depuis la chute de Ben Ali», selon ses dires.

Son jugement est réclamé samedi à grand bruit par des associations proches du pouvoir alors que la procédure judiciaire lancée à son encontre s'appuie sur des écoutes téléphoniques et la plainte d'un avocat, ancien cadre au ministère de Intérieur sous Ben Ali.

«Mon interdiction de voyage est arbitraire, sans fondement juridique», déplore cet homme de l'ombre, très influent sur la scène politique tunisienne et le milieu des affaires, qui dénonce une «violation des droits de l'Homme».

M. Eltaïef affirme s'être attiré des ennuis en raison de ses liens avec l'opposition.

«Ils m'en veulent parce que je cherche à consolider l'opposition pour créer un grand front républicain», ajoute-t-il, se présentant comme «un homme politique indépendant, un patriote».
Niant tout financement de partis, il déclare avoir mené une «lutte acharnée» contre Ben Ali et oeuvré, «loin des projecteurs», pour la transition démocratique post-révolution.

Kamel Eltaïef a longtemps été l'éminence grise de Ben Ali avant de tomber en disgrâce en 1992 pour inimitié avec Leila Trabelsi, l'épouse du président déchu.

Féru de politique, l'homme d'affaires s'est ensuite rapproché de l'opposition et avait conservé ses entrées au ministère de l'Intérieur sous le gouvernement intérimaire de l'ex-Premier ministre Béji Caïd Essebsi, devenu depuis le populaire chef du parti Nidaa Tounès.

M. Eltaïef est particulièrement ciblé par la Ligue de protection de la révolution, une milice pro-pouvoir qui se donne pour mission de défendre les objectifs de la révolution et qui a appelé, lors d'un rassemblement samedi, à son jugement.

Hichem Kanou, un responsable de cette association, a indiqué que celle-ci réclamait le jugement de M. Eltaïef, «en tant que principal symbole de corruption depuis le règne de Ben Ali».

De son côté, l'homme d'affaires accuse cette association d'avoir attaqué récemment son domicile à Sidi Bou Saïd, à la banlieue nord de Tunis. «Je suis en danger, ainsi que ma famille et le gouvernement a la responsabilité de veiller à notre sécurité, surtout après les campagnes de dénigrement par médias interposés», se plaint-il.

«Avant 1992, Ben Ali me consultait en effet pour chaque nomination et il m'a appelé le jour de sa fuite», affirme M. Eltaïef qui compte actuellement parmi ses amis MM Caïd Essebsi, ancien Premier ministre et leader de Nida Tounes, et Néjib Chebbi, leader du Parti républicain.

Après sa rupture avec Ben Ali, M. Eltaief avait été condamné à un an de prison ferme pour «simulation d'infraction» et «atteinte aux bonnes mœurs», une peine finalement commuée en un an avec sursis.

Kamel Eltaïef était parmi les organisateurs du coup d'Etat médical qui a écarté du pouvoir le premier président tunisien Habib Bourguiba pour sénilité en 1987.

Source : Afp.