Un sondage de Sigma sur la cote de confiance des personnalités politiques tunisiennes confirme la première place incontestée de l'ancien Premier ministre Béji Caïd Essebsi.
Par Imed Bahri
Le leader de Nida Tounes, dont l'expérience, le sens de l'Etat et la science en matière de communication politique crèvent l'écran, est crédité de 10,6% d'intentions de vote (en pourcentage de confiance personnalités sur l'ensemble des répondants) et 24,2 (en pourcentage de confiance personnalités sur les personnes ayant exprimé leur choix).
Plus surprenante est la seconde place du chef du gouvernement provisoire, le Nahdhaoui Hamadi Jebali, crédité de, respectivement, 6,1% et 13,9%. On ne peut pas dire que les erreurs de M. Jebali (Siliana, etc.), sa communication maladroite et le maigre bilan de son gouvernement ont beaucoup compté dans le choix des Tunisien(ne)s.
Marzouki en baisse, Hammami le vent en poupe
Le président de la république provisoire Moncef Marzouki a dégringolé à la 3e place (5,3% et 12,1%). A-t-il payé les frais des pierres, des tomates et des «Dégage» que lui ont été jetés, le 17 décembre, des habitants de Sidi Bouzid, lors de la célébration du 2e anniversaire du déclenchement de la révolution? Peut-être, mais pas seulement. L'inconsistance du président, son manque d'influence sur les affaires du pays (du fait de ses prérogatives limitées) et sa posture ambiguë de «président-opposant», un pied dans le pouvoir et un autre dans l'opposition, sont sans doute derrière cette chute dans les sondages qui risque de s'accélérer dans les prochains mois.
La 4e place de Hamma Hammami (4%, 9,2%), leader du Front populaire (extrême gauche), n'est pas surprenante. L'homme est très proche des travailleurs et des couches populaires. Il apparaît comme un homme sincère, fidèle à ses convictions et toujours prompt à dénoncer les dérapages de toutes sortes. Son passé de militant contre les dictatures de Bourguiba et Ben Ali en font l'une des figures de proue de la scène tunisienne.
La déroute annoncée de Mustapha Ben Jaâfar
La 5e place de Mustapha Ben Jaâfar (2,5%, 5,6%), président de l'Assemblée nationale constituante (Anc) n'est pas surprenante, elle non plus. L'ancien compagnon de route d'Ahmed mestiri, co-fondateur du Mouvement des démocrates socialistes (Mds) et de la Ligue tunisienne des droits de l'homme (Ltdh), fondateur en 1994 et leader du Forum démocratique pour le travail et les libertés (ou Ettakatol), semble avoir dilapidé, en quelques mois d'alliance avec Ennahdha, une grande partie de son capital politique de militant de la démocratie et des droits de l'homme. On ne compte plus, en effet, les démissions d'Ettakatol, qui est en passe de devenir... un parti de décor, un satellite d'Ennahdha, en rupture avec les aspirations des démocrates socialistes, sa famille politique naturelle.
La 6e place de Samir Dilou (2,3%, 5,3%), ministre des Droits de l'homme et de la Justice transitionnelle et Porte-parole du gouvernement, il la doit plus sans doute à sa très forte médiatisation (il est sur tous les plateaux de télévision) qu'au bilan, très maigre, de son ministère, qui risque d'ailleurs de passer à la trappe lors du prochain remaniement ministériel.
L'«exploit» de Rached Ghannouchi !
Rached Ghannouchi (2,2% et 5%) en 7e place est presque un grand exploit. Le président du parti islamiste Ennahdha n'est pas l'homme le plus apprécié des Tunisiens et, encore moins, des Tunisiennes. Sa duplicité et son hypocrisie lui valent beaucoup d'antipathie. L'homme qui prend son petit-déjeuner avec les Nahdhaouis, son déjeuner avec ses alliés de centre-gauche Cpristes et Ettakatolistes et son dîner à la table des salafistes djihadistes doit être content de cette 7e place, aussi inespérée que non méritée. Sa performance doit d'expliquer par la marge d'erreur dont se prévaut tout sondage d'opinion pour justifier ses improbables résultats.
Le Top 10 est fermé par le ministre de l'Intérieur Ali Lârayedh (1,8% et 4%), le secrétaire général du Congrès pour la République (CpR) Mohamed Abbou (1,7 et 3,9), toujours «écartelé» entre ses principes de défenseurs des libertés et des droits de l'hommes et son devoir de solidarité avec ses alliés nahdhaouis, Abdelfattah Mourou (1% et 2,2%) auquel l'entrée au Majlis Choura d'Ennahdha ne semble pas avoir réussi. Sa popularité, en tout, s'est beaucoup effritée.
Reste à signaler que 36,9% (soit plus du tiers) des personnes interrogées n'ont porté leur préférence sur aucune personnalité parmi celles en vue sur la scène politique tunisienne actuelle. Cela laisse donc des chances pour de nouvelles vocations, notamment parmi les quadras, de monter au créneau.
Où sont les femmes?
Cette masse importante d'indécis reste également à conquérir par les différents acteurs déjà en place. Il reste à déterminer les raisons de son indécision et ce qui, à ses yeux, manque dans l'offre politique actuelle.
On remarquera aussi, sans surprise mais avec un certain regret, qu'aucune femme ne figure dans ce Top 10. Il faudrait essayer d'expliquer cette absence, et pas seulement par le machisme des Tunisiens, sachant que l'échantillon comptait autant de femmes que d'hommes (du moins on l'espère).
Le sondage Sigma a été réalisé entre le 18 et le 21 décembre, par téléphone, auprès d'un échantillon de 1.892 Tunisien(ne)s ayant 18 ans et plus (âge légal de vote) et il est crédité d'une marge d'erreur de 2,3%.