En décidant la mutation du juge chargé l'«affaire du Sheraton», le ministre de la Justice laisse planer des soupçons sur ses véritables motivations. Si ne n'est pas une manœuvre pour orienter le cours de cette affaire, ce serait, au mieux, une nouvelle bourde.

 

La décision de mutation du juge en charge de l'«affaire Sheraton» émane du Conseil supérieur de la magistrature, et intervient dans le cadre du récent mouvement des juges, apprend-on de source judiciaire, a déclaré Faouzi Jaballah, conseiller auprès du ministre de la Justice, à l'agence Tap.

Certains médias avaient relayé une information selon laquelle le ministre de la Justice a décidé la mutation du juge d'instruction près le Tribunal de première instance de Tunis en charge de l'«affaire du Sheraton», impliquant Rafik Abdessalem – le ministre des Affaires étrangères et gendre de Rached Ghannouchi, président du parti Ennahdha au pouvoir – et son remplacement par un nouveau juge d'instruction.

Selon Faouzi Jaballah, le magistrat muté a été appelé à occuper un poste vacant à l'Inspection générale relevant du ministère de la Justice. «Les décisions du Conseil supérieur de la magistrature, sont encore en vigueur conformément à la loi sur l'organisation provisoire des pouvoirs publics», a-t-il précisé avec le cynisme caractéristique de son patron, le ministre de la Justice Noureddine Bhiri.

M. Jaballah a ajouté, que le mouvement des juges peut intervenir au milieu de l'année judiciaire pour plusieurs raisons dont l'impératif de remplir les postes vacants, l'opposition des magistrats contre le mouvement principal et le règlement de certains cas pour des considérations sociales, indique encore l'agence Tap.

Le mouvement intervient également suite à la prise de fonction des auxiliaires judiciaires diplômés de l'Institut supérieur de la magistrature (session de septembre 2012) à partir du 1er février 2013, a-t-il aussi dit.

Toutes ces explications oiseuses ne répondent pas à la seule question susceptible de lever l'équivoque autour de cette décision de mutation très équivoque et qui ressemble beaucoup à une sanction, à savoir: pourquoi le ministère de la Justice a-t-il choisi de muter le magistrat en charge d'une affaire aussi délicate?

Pourquoi n'avoir pas choisi un autre magistrat, moins exposé aux feux de l'actualité, ne fut-ce que pours éviter d'alimenter les soupçons et les supputations? Si ne n'est pas une manœuvre pour orienter le cours de l'«affaire du Sheraton», c'est, dans le meilleur des cas, une nouvelle bourde du ministre de la Justice.

Rappelons que le ministre des Affaires étrangères avait intenté un procès contre la blogueuse Olfa Riahi qui avait publié, fin décembre dernier, des déclarations appuyées de documents, révélant que le chef de la diplomatie a séjourné à plusieurs reprises à l'hôtel Sheraton de Tunis aux frais du ministère.

Le juge d'instruction près le Tribunal de première instance de Tunis, qui vient d'être muté, avait déjà auditionné la bloggeuse Olfa Riahi dans le cadre de cette affaire. On ne connaît pas encore la décision qu'il a prise concernant le cours à donner à cette affaire. Et on ne le connaîtra jamais, puisqu'il a été muté avant. Très opportunément...

I. B.