La députée Fattoum Attia démissionne d'Ennahdha et s'excuse auprès de ses électeurs pour ne pas avoir été à la hauteur de leurs attentes. C'est la première démission au sein du parti islamiste au pouvoir.
La nouvelle annoncée, hier soir, sur les réseaux sociaux avant sa confirmation dans l'entretien de l'intéressée, publié mardi, dans l'hebdomadaire arabophone ''Akher Khabar'', a fait des vagues. Car c'est la première démission enregistrée à Ennahdha, parti au pouvoir, depuis les élections du 23 octobre 2011.
Dans une interview de deux pages, la députée s'est longuement expliquée sur les causes de son départ et a tout déballé à nos confrères. Car, selon elle, il n'y a plus de confiance et elle refuse de continuer à induire en erreur les gens qui ont cru en elle et l'ont élue pour les représenter à l'Assemblée nationale constituante (Anc).
«Lors d'une visite à Kondar (au Sahel), j'étais avec le chef du gouvernement Hamadi Jebali et nous avons croisé des femmes, les pieds nus. Elles ont répondu à M. Jebali qu'elles n'ont pas de quoi se payer des chaussures et là, il a éclaté en sanglots... Je me suis jurée de défendre les pauvres», a-t-elle déclaré. Et d'ajouter qu'elle est restée aussi longtemps à Ennahdha – après avoir présenté deux fois sa démission – par respect pour Hamadi Jebali qui, selon elle, le plus modéré et le plus brave de tous.
Depuis, cette image n'a plus quitté son esprit. Les petits calculs politiques sont devenus une priorité pour la plupart des élus de son parti et elle estime ne plus pouvoir représenter les femmes et les hommes ayant voté pour elle et qu'il était temps de s'excuser auprès d'eux et de démissionner d'un parti qui ne la représente plus.
Parmi les raisons qui l'ont poussée à rendre le tablier, elle souligne: «Ennahdha ne veut pas combattre la corruption et il doit se retirer et dégager. Le parti a des ambitions autres que la réalisation des attentes du peuple, sinon il est très bien placé pour assainir notamment les administrations. Je pense ici à Noureddine Bhiri (ministre de la Justice, Ndlr) qui était le premier à appeler à l'ouverture des dossiers de corruption», a-t-elle poursuivi, laissant entendre qu'il ne l'a pas fait.
Fattoum Attia, qui est une diplômée de l'ENA, se dit très déçue par le chef d'Ennahdha et plusieurs ministres du gouvernement: «Rached Ghannouchi ne m'a pas rassurée en ce qui concerne son approche de la tendance salafiste. Maherzia Laâbidi ne représente pas la femme tunisienne. Le secrétaire d'Etat de l'Agriculture, par exemple, a détourné au profit de son frère un projet d'élevage de poissons à Zarzis, présenté par un citoyen. Ennahdha est revenu sur les acquis du pays, comme le Code du statut personnel et appelle à la chariâ dans la constitution», a-t-elle souligné.
Et d'ajouter qu'elle a, par contre, confiance en Ali Lârayedh, car il agit toujours en homme d'Etat et ne se contente pas de défendre Ennahdha. «J'ai aussi confiance en Hamma Hammami, leader du Front populaire, malgré que je ne partage pas ses idées, il me semble courageux et très sincère, le plus sincère parmi les chefs de partis», a-t-elle ajouté.
Z. A.