Moncef Marzouki

Le président provisoire de la république Moncef Marzouki a affirmé, dans une allocution télévisée, lundi soir, qu'il n'a pas l'intention de démissionner. Ce n'est pas là un scoop, c'est une nouvelle capitulation.

Par Imed Bahri

«Je ne quitterai pas mon poste. Je suis un homme d'Etat et la continuité de l'Etat est indispensable», a insisté le président Marzouki, ajoutant qu'il accomplira sa mission «jusqu'aux prochaines élections»... Dans 5 ou 6 ans, Inchallah, au rythme où avance la charrette de la «troïka» au pouvoir!

J'y suis, j'y reste...

Moncef Marzouki, devenu une machine à édicter des principes généraux et à former des vœux pieux, a réitéré son appel à former un gouvernement de coalition «qui reflète le pluralisme politique et la diversité sociale, et qui sera chargé de conduire le pays en cette période de transition». Et bla-bla-bla...

«Tant qu'il existera un gouvernement de coalition qui reflète ce pluralisme, je serais toujours au service de la nation», a lancé M. Marzouki, un trémolo dans la voix, ajoutant qu'il «ne voit, chez aucune partie, l'intention d'accaparer le pouvoir ou d'imposer ses positions».

Très rassurant, de la part d'un président de la république amnésique – ou dont la mémoire est décidément très sélective – qui, il y a quelques mois encore, avait pointé, dans une lettre adressée au congrès de son parti, le Congrès pour la République (CpR), «la volonté d'Ennahdha d'accaparer tous les rouages de l'Etat» (sic!).

Evoquant les difficultés que connaît la Tunisie aux plans politique, économique et social, le président provisoire de la république a estimé que «parvenir à la phase de stabilité requiert de la patience et des années de labeur, et non pas uniquement les deux années qui ont suivi la révolution». Traduire : le bilan presque nul de la «troïka» se justifie amplement, comme d'ailleurs aussi la volonté de cet attelage incohérent et incertain de rester indéfiniment à la tête d'un Etat déjà à la dérive...

M. Marzouki, qui a insisté, par ailleurs, sur l'impératif, pour les «conservateurs» (euphémisme pour désigner les islamistes et leurs alliés salafistes wahhabites financés par le Qatar et l'Arabie saoudite) et les «modernistes», qui constituent la société tunisienne, de... coexister pacifiquement.

Qualifiant l'actuelle crise politique, générée par les difficultés de se mettre d'accord sur un remaniement ministériel, de «normale», voire de «créatrice» (merci Condoleeza Rice et George Bush fils!), M. Marzouki a cru devoir rappeler, au cas où on l'aurait oublié, que cette «survient dans diverses démocraties».

Parce que la Tunisie d'aujourd'hui est une démocratie? Si notre pays est une démocratie, il l'est sans doute seulement dans la tête de M. Marzouki, décidément sur un nuage...

Une logorrhée indigeste tournant à vide

«Il ne s'agit pas d'une crise de personnes ou de quotas politiques mais de la recherche de politiques plus rigoureuses dans la lutte contre la corruption, le traitement du dossier des martyrs et blessés de la révolution et l'engagement de réformes économiques», a expliqué M. Marzouki, dans une tentative de minimiser la portée du blocage politique actuel et les difficultés des partis de la «troïka» à se mettre d'accord sur la composition d'un nouveau gouvernement dont, paradoxalement, la plupart des Tunisiens n'attendent plus grand-chose, s'ils n'attendent plus simplement le départ. Le plus tôt possible...

Finalement, M. Marzouki a dit aux Tunisiens qu'il s'accroche au pouvoir, à ses privilèges et à ses prébendes, et qu'il n'a plus rien à leur offrir qu'une logorrhée indigeste et qui tourne à vide.

S'il est rassurant, comme le disent certains commentateurs, son discours l'est seulement pour ses alliés d'Ennahdha, qui ont bien reçu le message : M. Marzouki est un obligé qui a la reconnaissance du ventre. Ils peuvent donc compter encore sur sa complaisante complicité.

Par conséquent, et après que le président d'honneur du CpR se soit couché, on peut parier que le CpR, après avoir vaguement gesticulé, ne tardera pas à se coucher lui-aussi. Très courageusement...