Un jour, les historiens écriront que Hamadi Jebali a eu un rendez-vous avec l'histoire. Mais pas ses détracteurs actuels, qui appartiennent en majorité au parti islamiste Ennahdha, sa famille politique.Un jour, les historiens écriront que Hamadi Jebali a eu un rendez-vous avec l'histoire. Mais pas ses détracteurs actuels, qui appartiennent en majorité au parti islamiste Ennahdha, sa famille politique.

Par Abderrazek Maâlej*

Après les élections du 23 octobre 2011, qui ont permis l'émergence du Parti Ennahdha, j'écoutais pour la première fois ''Si'' Hamadi Jebali, alors candidat déclaré du parti vainqueur pour le poste de Premier ministre, répondre à une question anodine d'une jeune journaliste de radio Mosaïque sur les effets pervers du pourvoir. Il répondit que celui qui voit la fin tragique du dictateur Kadhafi, «lynché par la foule depuis quelques jours», ne peut que souhaiter sortir du pouvoir avec le minimum d'erreurs. A ce moment là, je me suis dis que la Tunisie était entre de bonnes mains.

Un homme tiraillé entre les deux ailes de son parti

Depuis, Hamadi Jebali a fait plusieurs déclarations un peu hasardeuses du genre «6e Califat»; «presse gouvernementale»; «je dégagerais avant le gouverneur de Siliana», etc. Cependant, il a eu l'intelligence et la présence d'esprit de ne pas polémiquer sur les dossiers qui fâchent et, surtout, de prendre des positions fermes concernant les fameuses Ligues de protection de la révolution (LPR), pourtant défendues becs et ongles par les autres dirigeants d'Ennahdha.

CONSEILSAGE

Le chef du gouvernement a rencontré mardi à Dar Dhiafa à Carthage des personnalités nationales dans le cadre du conseil des sages.

Depuis quelque temps, ses déclarations sont devenues rares. On sentait qu'il était fatigué. Les déclarations faites à la presse par son médecin (et vieux compagnon de route) Dr Najib Karoui surgissent et confirment qu'il était tiraillé entre les deux ailes de son parti, mais à chaque fois qu'il parlait, les Tunisiens sentaient que ce monsieur était sincère, même s'il paraissait parfois aussi maladroit et emprunté.

L'assassinat lâche et méprisable du martyr Chokri Belaid a précipité les choses pour lui. Il annonce sa volonté de remanier le gouvernement par l'introduction de technocrates sans appartenance partisane et qui s'engagent, comme lui, à ne pas se présenter pour les prochaines élections. En réalité, sa décision était déjà prise avant le 6 février : le journal ''Al-Maghreb'' l'a évoquée dans son édition du 5 février.

Les rendez-vous manqués d'Ennahdha et du CpR

Depuis le 7 février, la popularité de ce Monsieur n'a cessé de grandir et de croître de manière exponentielle et ce, en Tunisie et ailleurs. Les Tunisiens sont presque unanimes (plus de 70% selon les sondages) sur son parti-pris pour son pays.

Par ailleurs, et alors que l'assassinat du martyr Chokri Belaid a provoqué la réaction positive de ''Si'' Hamadi Jebali, voilà que le porte-parole de la présidence, Adnene Manser, fait une déclaration, le 8 février, et menace de poursuite judiciaires tous ceux qui appellent à l'intervention de l'armée. La même menace est confirmée par le secrétaire général du Congrès pour la république (CpR), Mohamed Abbou, lors de sa conférence de presse du 11 février.

cprjebali

Le président de la république exprime son désapprobation de l'initiative de Hamadi Jebali à travers Adnane Manser,porte parole de la présidence.

On a l'impression que notre armée nationale est à ce point fragile et qu'elle à besoin de ces «apprentis politiciens» pour la défendre. Or, dans les démocraties, la liberté d'expression autorise les gens à parler librement et celui qui veut faire un coup d'Etat ne le déclare pas à la presse ou aux médias.

La meilleure réponse est venue du ministre républicain de la Défense, Abdelkerim Zbidi, qui sort de son silence pour la première fois pour intervenir en direct par téléphone dans un talk-show sur Nessma TV. Il répond alors à Hédi Ben Abbes, porte-parole du CpR (encore un CPRiste), pour lui rappeler que l'armée ne travaille pas avec les consignes et qu'elle se tient à distance de tous les partis politiques.

En outre, voilà qu'un ministre Cpriste, Slim Ben Hmidane (Domaines de l'Etat et Affaires foncières), invité par Hannibal TV, lance des accusations irresponsables contre les adversaires politiques. Un autre ministre Cpriste, Abdelwaheb Maâter, déclare que le CpR et Ennahdha rejettent l'initiative de Jebali alors que le président (fondateur et président d'honneur du CpR) avait déjà appelé, après les fameux événements de Siliana, à la nécessité d'un gouvernement de technocrates.

A des moments de l'histoire des Nations, il y a des hommes courageux qui se sacrifient pour leurs idées et leurs principes. Dans quelques décennies, si l'alternance au pouvoir se confirmait en Tunisie et si la 2e République démocratique devenait une réalité, les historiens écriraient que ''Si'' Hamadi Jebali a eu un rendez-vous avec l'histoire. Pas ses détracteurs actuels, et qui appartiennent en majorité à sa famille politique.

*Expert comptable indépendant.