Faut-il croire ce que dit le président du mouvement islamiste Ennahdha, ou, seulement ce qu'il fait et fait faire à ses adeptes? Cette question est d'autant plus légitime que les actes des Nahdhaouis sont souvent en opposition avec ce qu'ils disent.
A cet égard, leur chef offre le meilleur exemple. En témoigne sa dernière prestation publique, samedi, à la clôture de la conférence-débat sur le projet de Constitution, organisée par le Centre d'études sur l'islam et la démocratie (Csid, un think tank proche d'Ennahdha). Des déclarations politiquement correctes, auxquelles il est difficile de donner du crédit, tant les actes de Ghannouchi et de ses adeptes sont en contradiction avec leurs paroles.
Universalité des droits de l'homme, dites-vous?
Comme pour tromper ses auditeurs sur le véritable agenda d'Ennahdha, qui consiste à prendre le temps qu'il faut pour imposer son contrôle sur tous les rouages de l'Etat, Rached Ghannouchi a cru devoir appeler à «finir la rédaction de la Constitution dans les plus brefs délais» et, mieux encore, à y inscrire les principes de l'universalité des droits de l'Homme et le régime politique «sur lequel s'accordera la majorité des Tunisiens».
On croit rêver! Mais pourquoi donc les constituants nahdhaouis ne veulent-ils même pas entendre parler de cette «universalité», en agitant à chaque fois la thématique de la spécificité arabo-musulmane?
M. Ghannouchi a souligné que la nouvelle Constitution doit être la plus globale possible «et non pas écrite par une catégorie en particulier». «Les points de divergence, a-t-il encore dit, doivent être tranchés rapidement et les élections tenues en juin ou, si ce n'est pas faisable, en octobre prochain».
A l'appui de son mensonge – car c'en est un –, M. Ghannouchi a rappelé les positions du groupe parlementaire d'Ennahdha, «tant au niveau des commissions constitutives que des plénières», qui a «retiré toutes les propositions ayant suscité la polémique ou divisé les groupes et les élus, à l'instar de la question d'inscrire la chariâ comme source de législation, l'incrimination de l'atteinte au sacré et l'incrimination de la normalisation avec l'entité sioniste».
L'universalité vidée par la spécificité arabo-musulmane
Ennahdha soutient l'idée de constitutionnaliser l'universalité des droits de l'homme, a encore insisté M. Ghannouchi, citant en particulier «la justice, la liberté de pensée et d'expression, le droit syndical et le droit d'accès à l'information», ainsi que «la préservation de l'identité et des valeurs islamiques».
Quelqu'un a-t-il saisi la contradiction dans les propos du cheikh : le concept d'universalité aussitôt vidé par celui de spécificité ?
«Il serait plus judicieux de prévoir l'incrimination de la normalisation (avec Israël, Ndlr) et de l'atteinte au sacré dans un cadre juridique autre que la Constitution s'il n'y a pas de consensus sur la question», a-t-il encore précisé, lâchant ainsi d'une main ce qu'il reprend aussitôt de l'autre.
S'agissant du système politique, le président d'Ennahdha a estimé que le «régime parlementaire est le plus proche de la démocratie». «Nous sommes ouverts au consensus afin d'obtenir des résultats dans les plus brefs délais et d'éviter les débats interminables», a-t-il avancé dans ce sens. Il a appelé le groupe Ennahdha et tous les groupes parlementaires à accélérer l'élaboration de la Constitution et de la loi électorale, et à mettre en place rapidement les instances de régulation «pour rétablir la stabilité dans le pays».
Plusieurs intellectuels, hommes politiques et élus de l'Assemblée nationale constituante (Anc) ont pris part à cette conférence-débat.
I. B. (avec Tap).