Si avec le remaniement avorté du gouvernement Jebali, on se félicitait de rompre avec les médiocres, le nouveau gouvernement en cours de constitution par Lârayedh risque de renforcer le camp des guignols.
Par Fadhel Ben Jbara*
Il y a tout juste une année Abdelwaheb Maâtar, ministre de l'Emploi et de Formation professionnelle, issu du Congrès pour la république (CpR) soutenait sans la moindre ambiguïté que l'emploi des chômeurs ne relevait pas de son département – ministère horizontal – et se plaignait d'avoir hérité du plus difficile des dossiers.
Coup de théâtre, avec la publication des données de l'Institut national de la statistique (INS) sur le chômage et notamment la baisse du taux de 2,2% entre 2012 et 2011 suite à la création de plus de 100.000 emplois, il est devenu amnésique et a revendiqué haut et fort à lui seul l'exploit. Il est soutenu insidieusement et malhonnêtement par ses associés d'Ennahdha pour qui, il n'y a rien à comprendre, le gouvernement a honoré ses engagements!
D'ailleurs, le DG de l'INS s'est contenté de nous lancer les chiffres en s'abstenant de les commenter, expliquant que ce n'était pas le rôle de l'INS!
Maâtar n'y est vraiment pour rien
En première lecture, on pourrait se féliciter de l'embellie de la situation de l'emploi. Hélas, en y réfléchissant un tant soit peu, on ne peut que s'apercevoir de l'arnaque grossière. Comment peut-on créer plus de 100.000 emplois en Tunisie avec un taux de croissance de 3,6 % seulement? Comment expliquer ce dilemme à M. Maâtar et ses associés? Facile!
Tout d'abord, la Tunisie avec plus de 5% de taux de croissance ne réalisait point plus de 60.000 emplois. Ensuite, je rappelle que la fonction publique a recruté environ 50.000 fonctionnaires entre 2011 et 2012 et qu'une partie du personnel de 2011 n'a pu être embauchée qu'en 2012. En tout, plus de 35.000 agents ont fait leurs entrées à l'administration en 2012 et c'est des emplois improductifs, surtout lorsqu'ils viennent en surnombre.
En plus, l'année 2011 a vu des centaines d'entreprises ralentir ou stopper leurs activités en recourant aux licenciements techniques (hôtels, entreprises manufacturières: textiles, électroniques...), mais en 2012 on a enregistré une amorce de reprise avec un certain retour à la normale qui a eu pour conséquence une contribution à l'amélioration de l'embauche.
Bref, on est passé d'un taux de chômage de l'ordre de 15% en 2010 à 18,9% en 2011 pour atteindre 16,7% en 2012.
On voit bien qu'il n'y a pas lieu de crier victoire, la reprise est essentiellement exogène et demeure fragile. En tout cas, M. Maâtar avait raison: il n'y est pour rien mais le sait-il? J'en doute fort! Mais encore une fois le CpR fait le sale boulot pour Ennahdha en maquillant la réalité plutôt peu réjouissante.
Le cirque de Mmes Abbou et Badi
Mme Abbou ne vient-elle pas de persister – seule contre tous – à accuser Béji Caïd Essebsi, leader de Nida Tounes, du meurtre du leader de gauche Chokri Belaïd, quand bien même les meurtriers et leur obédience «islamiste» sont désormais connus de tous!
Monsieur son époux n'a-t-il pas qualifié les Ligues de protection de la révolution (LPR), ces groupes violents au service d'Ennahdha, de «conscience de la révolution», alors même qu'un certain Moncef Marzouki, président (heureusement) provisoire de la république ouvre les portes du Palais de Carthage à Recoba et sa bande.
Mme Badi n'a-t-elle pas participé à un meeting d'Ennahdha aux côtés de Rached Ghannouchi, Recoba et peut-être bien les meurtriers de Chokri Belaid.
Le choix parmi les représentants du peuple de femmes aussi médiocres que Sonia Ben Toumia – députée Ennahdha – ou Sihem Badi – ministre Cpriste des Affaires de la femme et de la famille – n'est-elle pas une démarche maligne et diabolique visant à discréditer la femme tunisienne. Avec de tels choix la parité n'est pas pour demain.
Mais si avec le remaniement – avorté – du gouvernement Hamadi Jebali, le chef de gouvernement démissionnaire, on se félicitait de rompre avec ces guignols, le nouveau gouvernement en cours de constitution par le ministre de l'Intérieur sortant Ali Lârayedh risque de renforcer le camp des guignols, puisqu'Ennahdha va avoir désormais l'embarras du choix : ce qui reste du CpR, avec les restes de Wafa, sans oublier le parti d'un autre guignol, l'inénarrable Bahri Jelassi, «le parti de la gratuité», et Ettakatol, le parti de l'éternelle «tergiversation».
Fous rires, coup de théâtre, mensonges et trahison sont garantis pour le reste de l'année grâce à la Troika +.
* Ingénieur.