Par Ridha Kéfi 

Une étude franco-américaine, rendue publique le jeudi 25 mars à Paris, identifie la religion (musulmane en l’occurrence) comme élément-clé dans la discrimination à l’emploi en France. Le même jour, à Genève, le Conseil des droits de l’homme de l’ONU adopte une résolution qui condamne l’islamophobie et «la diffamation des religions». Coïncidence de calendrier ou signe d’Allah ?

 

L’étude, menée en 2009 par l’université de Stanford (Californie) en collaboration avec l’université Paris I Panthéon-Sorbonne, montre «une discrimination considérable à l’égard des musulmans», indépendamment de leur origine géographique.
Elle a consisté en un testing sur CV, qui a permis de comparer le nombre d’entretiens d’embauche proposés à trois candidates françaises ayant un profil semblable (genre, âge, lieu de résidence socialement comparable) et les mêmes qualifications (diplômes, expérience professionnelle…). Sauf que l’une portait un nom et un prénom typiquement français (Aurélie Ménard) et les deux autres un nom typiquement sénégalais (Diouf), mais un prénom catholique dans un cas (Marie) et un prénom musulman (Khadija) dans l’autre.
«L’analyse du taux de réponse [émanant des 300 entreprises ayant publié une offre d’emploi dans le domaine du secrétariat et de la comptabilité] a permis d’établir que la candidate française d’origine sénégalaise au prénom chrétien avait 2,5 fois plus de chances d’être contactée par l’employeur que la candidate française d’origine sénégalaise au prénom musulman», relève l’étude. La candidate de référence, Aurélie Ménard, a quant à elle reçu le même taux de réponses positives dans les deux séries d’envois. Conclusion du directeur de l’étude, David Laitin, professeur de sciences politiques à Stanford : «Il ne fait aucun doute que la discrimination à l’encontre des musulmans freine leur intégration sociale et économique en France».
Les récents débats sur l’identité nationale, l’interdiction de la burqâ et la  sécurité, lancés récemment par l’UMP, le parti du président Nicolas Sarkozy, ne lui ont peut-être pas fait gagner les élections régionales du 21 mars, comme il l’espérait sans doute. Ils ont, à coup sûr, contribué à détériorer la situation des Français musulmans et des musulmans en France.
En adoptant, le même jour, une résolution sur «la diffamation des religions», qui condamne «profilage ethnique et religieux des minorités musulmanes», l’interdiction des minarets et les autres mesures du même genre, qui constituent des «manifestations d’islamophobie profondément contraires aux obligations internationales découlant des droits de l’Homme en ce qui concerne la liberté de religion», le Conseil des droits de l’homme de l’ONU a donc mis le doigt sur un vrai problème. Comble de l’ironie : il était réuni à Genève, en Suisse, le pays même où un référendum avait été tenu le 29 novembre sur… l’interdiction de la construction de minarets.  
Proposée par le Pakistan au nom de l’Organisation de la conférence islamique (OCI), la résolution de l’ONU a été adoptée à une courte majorité de 20 voix contre 17. Huit des 47 pays siégeant au Conseil se sont abstenus. Parmi les pays qui s’y étaient opposés, on trouve… la France (qui plus est s’exprimait au nom du bloc européen) et les Etats-Unis. Comble de l’ironie bis : ces deux pays sont, souvent, les plus prompts à s’émouvoir des abus en matière de droits de l’Homme.
Quant aux organisations chrétiennes, qui n’ont de cesse de s’émouvoir de l’expulsion des territoires marocain et/ou algérien de groupes de missionnaires évangélistes pris en flagrant délit de prosélytisme, et de crier à la montée de l’intolérance religieuse au Maghreb, ne seraient-ils pas plus crédibles s’ils protestaient aussi contre la montée de l’islamophobie dans les pays à majorité chrétienne ?