Le gouvernement islamiste en place à Tunis refuse la levée des réserves émises à la Cedaw, qu'un décret-loi daté du 16 août 2011 était censé accélérer. Les alliés «laïques» d'Ennahdha laissent faire...
«La levée des réserves à la Cedaw est une atteinte flagrante à la souveraineté nationale, à la spécificité culturelle et aux valeurs de l'islam, notamment en ce qui concerne l'égalité dans l'héritage et le délai de viduité», a ainsi déclaré Noureddine El Khademi.
La Cedaw est la Convention des Nations-Unies sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes.
Le gouvernement Béji Caid Essebsi avait adopté en conseil ministériel, le 16 août 2011, un décret-loi pour la levée des réserves émises par la Tunisie sur la Cedaw lors de sa ratification en 1985. Ce décret-loi n'a cependant pas été adopté depuis.
C'est que le gouvernement islamiste en place à Tunis refuse désormais la levée des réserves tunisiennes sur cette convention internationale. Et c'est le ministre des Affaires religieuses qui est chargé de faire aboyer la meute pour enterrer définitivement l'adhésion de la Tunisie à la Cedaw.
C'est ainsi que Noureddine Khademi, qui s'exprimait lors du 2e cycle du Forum de Tunis sur la modération sous le thème: «La famille dans la nouvelle constitution», organisé, lundi, par son département, à Tunis, a souligné la nécessité d'approfondir la réflexion sur certaines questions cruciales figurant dans cette convention afin de parvenir, a-t-il dit, à un consensus national autour des définitions et concepts.
«Nous sommes pour l'égalité et les pleins droits entre les hommes et les femmes. Mais, nous avons des réserves sur certains points inscrits dans cette convention, qui vont à l'encontre des dispositions du chapitre premier de la Constitution», a-t-il cru pouvoir ajouter sans craindre de se contredire, comme souvent les dirigeants islamistes, affirmant souvent une chose et son contraire.
Selma Sarsout, élue d'Ennahdha à l'Assemblée nationale constituante (Anc), a déclaré, de son côté : «Nous ne sommes pas contre les conventions internationales ratifiées par la Tunisie, mais nous refusons la levée, à l'insu du peuple, des réserves à la Cedaw».
Bien sûr, on l'a compris, le parti islamiste au pouvoir se croit habilité a parler au nom de tout le peuple tunisien!
L'enseignant Hassan Manai, de l'université de la Zitouna, a renchéri en affirmant que la Cedaw est «un crime contre le peuple» (pas moins?). Sa ratification, a-t-il ajouté, est une atteinte à la dignité de la femme tunisienne, à l'histoire du pays, à sa culture et à sa religion. Un homme, spécialiste en théologie islamique de surcroit, parlant au nom de «LA» femme tunisienne, cela s'apparente davantage à une usurpation d'identité qu'à l'expression d'une position politique.
I. B.