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N'en déplaise à Adnène Mansar, tout le monde sait que les jours de Moncef Marzouki sont comptés, qu'il ne lui reste plus que quelques mois pour faire ses cartons et quitter le Palais de Carthage.

Par Moncef Dhambri

Moncef Marzouki et ses collaborateurs n'en démordent pas. Inquiets face à la chute libre du Congrès pour la République (CpR) et la montée vertigineuse de l'impopularité de son président d'honneur, ils rafistolent comme ils peuvent leur parti délabré, rameutent comme ils peuvent leurs troupes, tentent de donner un sens à leur existence sur l'échiquier politique et prolongent, encore et encore, leur offensive contre l'opposition.

Hier, Adnène Mnassar, porte-parole officiel du président provisoire de la République, a profité d'un micro que nos confrères de la Wataniya 1 ont bien voulu lui tendre1 pour jouer les prolongations du plus triste épisode du mandat présidentiel (heureusement provisoire) de M. Marzouki.

«Moncef Marzouki fait peur à l'opposition»

Prenant part aux travaux du congrès national du CpR, à Sousse (pour trouver remplaçant au secrétaire général démissionnaire Mohamed Abbou), M. Mansar, membre du bureau politique de la formation, n'a pas raté l'occasion de revenir sur les déclarations que le locataire du Palais de Carthage a faites la semaine dernière à Doha, pour les clarifier encore plus, «enfoncer le clou» et préparer le terrain pour la suite des évènements.

En quarante-sept secondes, M. Mansar, responsable-en-chef de la Com du président provisoire, nous a parlé de la constance et de la rectitude de M. Marzouki, et de la position inconfortable de ce dernier qui n'a jamais cessé d'être la cible des attaques de la droite comme de la gauche – quoiqu'il (M. Marzouki) dise, quoiqu'il fasse «ou même s'il décide de garder le silence, on trouvera toujours le moyen de le critiquer. Vous allez voir, les attaques contre lui vont s'accentuer, dans les prochains jours, car ces gens-là sont déjà en campagne» (pour les élections), a averti M. Mansar au JT de 20 heures de la Watania 1.

Qu'est-il venu nous dire? Alors qu'en principe, samedi et dimanche, il était à Sousse pour parler de la fonte des neiges Cpristes, le porte-parole de la présidence provisoire de la république a préféré ajouter une autre couche sur les propos de son chef. Pour lui, le chef de l'Etat provisoire n'a fait que «critiquer la performance de l'opposition (...) et la réaction a été très vive. D'ailleurs, elle ira crescendo dans les jours et les mois à venir, car les partis de l'opposition ont déjà lancé leur campagne électorale et, pour eux, Moncef Marzouki représente une menace. Il leur fait peur. C'est une affaire de politique politicienne. Elle n'a absolument rien à voir avec ses déclarations» de Doha.

Que faut-il donc comprendre? Est-ce que M. Marzouki a mis le feu aux poudres, oui ou non? A-t-il tenu ou non des propos incendiaires? Qu'est-ce M. Mansar appelle «critiquer la performance de l'opposition»?

La maladresse de l'inversion des rôles

Il est clair que le responsable-en-chef de la Com du Palais de Carthage agit en pompier, qu'il tente de contrôler le dérapage de son maître et d'évacuer une affaire très grave, analysée hier dans ''Kapitalis'' (Marzouki dérape et ne contrôle plus rien).

Rafraichissons la mémoire de M. Mansar et citons les propos de notre président provisoire qui ont suscité la polémique. Nous retenons, par souci de concision, ce qui suit: «S'il vient à l'idée des extrémistes laïques de chercher à s'emparer du pouvoir, on dressera des potences et des guillotines et il n'y aura pas de sages, comme Moncef Marzouki, Mustapha Ben Jaâfar ou Rached Ghannouchi pour prôner la modération, le dialogue ou la réconciliation nationale», avertit M. Marzouki. «Les extrémistes laïques voulaient faire rendre l'âme à la Troïka, ce sont eux qui ont rendu l'âme (...) Toutes les lignes rouges de la mauvaise foi ont été franchies par les extrémistes laïques. Ennahdha a accepté d'abandonner les ministères régaliens comme ils le réclamaient à cor et à cri. Au lieu de la remercier, ils ont demandé davantage de concessions et minimisé le geste d'Ennahdha (...) L'opposition doit garder son sang froid. Faute de quoi, elle risque de le regretter», menace-t-il.

Non, M. Mansar, votre maître ne fait pas peur à l'opposition. Tout le monde sait que les jours de l'ancien militant des droits de l'Homme sont comptés, qu'il ne lui reste plus que quelques mois – neuf, tout au plus, avec les prolongations usurpées – pour faire ses cartons et quitter le Palais de Carthage. Tout le monde sait, également, que son CpR a épuisé toutes ses ressources et que sa popularité a atteint des profondeurs abyssales.

Et c'est bien M. Marzouki lui-même qui s'est lancé le premier dans la bataille électorale. N'inversons pas les rôles, M. Mansar. En tant qu'homme de confiance le plus proche et le plus influent du «président sans prérogatives», vous avez raté votre bricolage médiatique. Vous l'avez tout simplement mal conseillé, reconnaissez-le!

Quant à ce que M. Marzouki peut penser de la performance de l'opposition, M. Mansar a l'air d'oublier que cette dernière se garde le droit de vouloir ou non cautionner les choix de la Troïka. Elle peut, selon son intime conviction, soutenir ou désapprouver les options de l'alliance gouvernementale. Elle est, donc, dans son rôle d'opposition.

Elémentaire, cher M. Adnène Mansar.

Note:
1- Nos confrères de la Watania 1 auront le plus grand mal à justifier cette intervention de Adnène Mansar. En principe, le sujet de leur reportage pour le JT du 20 heures était le congrès national du CpR. Il ne devait pas y avoir d'espace pour une mise au point de M. Mansar sur les frasques du président provisoire à l'étranger.