Le gouvernement garde le cap sur la réforme des retraites, l’opposition appelle au respect du pacte social et républicain, les syndicats maintiennent la mobilisation… Entre le gouvernement et la rue, point de dialogue. Jusqu’où ira la crise en France? Jamel Heni, Paris


Sans surprise, le Sénat français a voté le 22 octobre par 177 voix contre 153 la réforme des retraites qui porte l’âge de départ légal à 62 ans et le droit à une pension sans décote à 67 ans.
Les sages ferment ainsi la porte à toute tergiversation, à quelques jours de la commission mixte paritaire chargée d’établir un texte commun aux deux chambres. Avec le recours à la procédure du vote unique prévue par l’article 44-3 de la Constitution française et disposant que «si le gouvernement le demande, l’assemblée saisie se prononce par un seul vote sur tout ou partie du texte en discussion en ne retenant que les amendements proposés ou acceptés par le gouvernement», la partie était d’ores et déjà gagnée par le gouvernement.

Le temps fera-t-il son œuvre?
Peu d'observateurs se font encore des illusions sur les suites parlementaires du débat, alors que le gouvernement s’en donne déjà à cœur joie. «Un jour viendra où les adversaires d’hier seront reconnaissants au Président de la République, au gouvernement et à la majorité parlementaire d’avoir eu le courage d’assumer entièrement leurs responsabilités, a déclaré Eric Woerth dans son allocution de clôture du vote vendredi dernier. J’en veux pour preuve le fait que certains dans l’opposition soutiennent désormais l’allongement de la durée de cotisation initié par la réforme Fillon de 2003, après l’avoir combattu pendant des années. Le temps fera aussi son œuvre sur l’âge de la retraite, je n’en doute pas.»
Finie la bataille des textes. Il faudra maintenant gagner celle du terrain. Mais là le gouvernement est moins sûr. Sa surdité à la colère de la rue et son impopulaire passage en force ne lui laissent pas beaucoup de chances à tarir les sources du mécontentement. Il lui faudra affronter de nouveau la grogne syndicale avec deux journées de grèves le 28 octobre et le 6 novembre. Sans évoquer la jeunesse qui appelle à en découdre vacances ou pas! L’Union nationale des étudiants de France (Unef), principal syndicat étudiant appelle à une mobilisation universitaire, au beau milieu de la toussaint! Les perturbations des transports persistent et les réquisitions des dépôts de carburant mettront plusieurs jours à ramener à la normale le ravitaillement des automobilistes! La justice a même jugé illégal dans quelques cas l’arrêté préfectoral de réquisition...

La bataille de la rue est-elle finie?
Mais la bataille de la rue n’est pas non plus sûre pour les syndicats. Le blocage des raffineries et l’engagement des lycéens ne font pas l’unanimité chez les Français. Selon un sondage OpinionWay paru samedi dans ‘‘Le figaro’’, 56 % des Français  estiment qu'il faudrait accepter le vote des parlementaires!
Sur un front politique, l’opposition évoque un mépris des institutions, mais n’esquisse  aucun horizon de mobilisation: «Ce nouveau contournement du Parlement est scandaleux. Comment accepter que sur un sujet essentiel, qui engage le pacte social et républicain, on refuse aux élus de la Nation le temps nécessaire au débat? (…) Plus on débat, et plus la vérité apparaît: le projet du gouvernement est profondément injuste et ne règle rien», lit-on dans un communiqué du Parti socialiste.
Autant dire que les vacances finiront par imposer  leur loi à tous!

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