Les Tunisiennes doivent-elles désormais avoir l'accord écrit de leurs époux pour pouvoir voyager? La question mérite d'être posée depuis que des femmes se font importuner à ce sujet dans les aéroports tunisiens.
Sana Ghenima, femme d'affaires, s'est vue interrogée, hier, par un agent de police à l'aéroport de Tunis-Carthage, si son mari lui a donné son accord pour voyager seule.
Moins de 24 heures après, une autre dame a dû répondre à la même question à la police du même aéroport. Elle lui a répondu qu'elle va justement se rendre au Koweït, comme elle le fait très souvent, pour rendre visite à son mari médecin résidant dans ce pays. L'agent lui a alors demandé une autorisation par écrit de son mari. Elle lui a montré tous ses papiers d'identité, y compris une photocopie de la carte de séjour de son époux. Mais l'agent a exigé l'original du document. Et c'est là que la dame s'est insurgée contre ces pratiques à la saoudienne ou à l'afghane et a commencé à hurler, expliquant au policier que le document original se trouve normalement chez l'intéressé et qu'il n'y a que les idiots pour poser de telles questions.
«Il a fallu l'intervention du supérieur de l'agent, qui s'est excusé auprès de la dame et l'a laissée passer», raconte à Kapitalis un témoin de la scène.
L'affaire Sana Ghenima, Pdg d'une société spécialisée dans l'édition numérique et interactive (Sanabil Med, distributeur officiel de la marque française Archos en Tunisie), élue en janvier 2009 meilleure femme chef d'entreprise de l'année 2008, n'est donc pas un cas isolé.
Il ne s'agit donc pas d'un agent islamiste qui fait du zèle pour plaire à ses nouveaux maîtres, à moins que ce soit le même agent qui a importuné les deux dames. Auquel cas, le ministre du Transport, le très islamiste Abdelkerim Harouni, devrait faire une enquête et sanctionner l'agent indélicat. S'il ne le fait pas, c'est que les instructions sont parties de ses services.
Mme Ghnima a écrit sur sa page officielle Facebook qu'elle est rentrée aujourd'hui à l'aéroport de Tunis-Carthage accompagnée d'un avocat (Me Anana), et que le responsable de la police des frontières lui a présenté des excuses. Elle se dit rassurée, mais «tout en restant vigilante». Car, il semble que les islamistes au pouvoir cherchent à rendre la vie infernale aux femmes appartenant à l'élite du pays.
Z. A.
Illustration: Mme Sana Ghenima