La motion de censure contre la ministre des Affaires de la femme et de la famille, présentée par 78 députés, n'a pas pu passer. Sihem Badi a sauvé son poste... grâce au soutien inconditionnel de ses camarades d'Ennahdha.
Le texte de la motion a, en effet, été rejeté à une majorité de 90 voix, contre 70 qui l'ont soutenue, 14 députés ayant opté pour l'abstention.
Le débat qui a précédé le vote a permis de poser le problème de la qualité de la prise en charge des enfants dans les jardins d'enfants et les crèches, surtout de l'absence de mesures préventives du gouvernement pour éviter et combattre les éventuels abus, notamment dans les établissements non agréés, voire illégaux, comme les fameux jardins d'enfants coraniques où des salafistes font du prosélytisme religieux.
Contrôle de l'action du gouvernement, dites vous?
Pour les partisans de la motion de censure, ce sont précisément de tels abus qui ont conduit à la récente agression sexuelle contre une fillette dans un jardin d'enfants à La Marsa.
La motion de censure n'a, finalement, recueilli que 70 voix favorables alors que 78 députés y avaient apposé leur signature, ce qui l'avait rendue recevable (le quorum requis étant d'un tiers des députés, soit 73).
Des députés de l'opposition ou indépendants qui l'avaient parrainée ne l'ont donc pas votée au final. Certains d'entre eux ont expliqué leur revirement par le fait que la ministre n'assume pas à elle seule la responsabilité de la condition de l'enfance en Tunisie, mais l'ensemble du gouvernement. Argument oiseux, puisque cela revient au même : la responsabilité de Mme Badi est engagée totalement puisqu'elle n'arrive pas à coordonner avec ses collègues.
D'autres députés ont avancé avoir voulu seulement provoquer le débat sur un «problème réel» et accessoirement tester le mécanisme de défiance. La belle affaire ! Si ce n'est pas aussi pour s'amuser et amuser la galerie, déjà incapable de finaliser le texte de la constitution. Pauvre Tunisie : le pays s'enfonce dans la crise, alors que ses dirigeants politiques s'amusent à faire l'apprentissage de la démocratie.
Prenez votre temps, messieurs dames ; bientôt, vous serez tous dégagés sans ménagement!
Bonne perdante, la députée du groupe démocrate Salma Baccar (parti Al-Massar) a cru, pour sa part, devoir soutenir que l'opposition et les indépendants ayant parrainé la motion de censure savaient à l'avance qu'elle ne requerrait pas la majorité mais qu'ils l'ont pour autant maintenue «pour induire une avancée supplémentaire en matière de démocratie», au sein de l'Anc. «Tout le monde, y compris la ministre Badi, a accepté de jouer le jeu, et ce fut donc une bonne opportunité de tester les mécanismes de contrôle de l'action du gouvernement et de fonctionnement de l'assemblée», a-t-elle ajouté.
Les groupes parlementaires des partis d'Ennahdha et d'Ettakatol, qui forment avec le parti de Sihem Badi, le Congrès pour la république (CpR), la coalition au pouvoir, ainsi que le mouvement Wafa, se sont visiblement mis d'accord pour voter contre la motion de censure, tout en admettant la nécessité «d'asseoir la tradition de la reddition de comptes» et de «s'exercer à la démocratie».
Ceci n'a pas, pour autant, empêché Mohamed Hamdi, porte-parole du groupe démocrate, de reprocher aux députés de la «troïka» et, précisément, à la ministre Badi d'avoir qualifié l'engagement de la procédure de motion de censure de «mise en scène comique» ou de «récupération de la cause» (des enfants) tout en prétendant qu'il s'agit d'un «exercice de démocratie».
La ministre Badi s'est dite «fière de ce qui se passe aujourd'hui en Tunisie» où l'on est en train de «jeter les fondements de la démocratie», voyant dans la procédure de défiance à son encontre «une matière digne d'être enseignée dans les écoles de sciences politiques de par le monde» (sic !).
Non contente d'être incompétente et arrogante, Mme Badi croit pouvoir encore se payer la tête des Tunisiens. Ennahdha en a voulu ainsi...
Après Sihem Badi, ce sera le tour de Moncef Marzouki...
L'Anc aura à statuer, dans quelques jours, sur une motion de destitution visant cette fois le président provisoire de la république.
La procédure avait été lancée en signe de protestation contre ses déclarations lors de sa récente visite au Qatar, accusant les opposants de «laïcs extrémistes».
Elle a recueilli plus de 73 signatures. Le bureau de l'Assemblée en a été saisi pour fixer la date de la plénière qui sera consacrée à la question.
A signaler que 174 députés étaient présents à la séance plénière de ce mardi, contre une moyenne habituelle d'environ 135. Autant dire que les Nahdhaouis se sont mobilisés pour sauver l'un des leurs.
I. B. (avec Tap).