Ce qui oppose Karima Souid à Mongi Rahoui, tous deux membres du bloc démocratique à l'Assemblée, ce serait plutôt une affaire de «beurre dans les épinards». Le second n'aurait pad dû, aux yeux de la première, soulever le scandale des salaires des députés.
Par Marwan Chahla
La constituante Karima Souid (élue sur une liste d'Ettakatol avant de démissionner et de rejoindre Al-Massar) «a dit la vérité», la sienne, sur l'attitude de son collègue Mongi Rahoui du Groupe démocratique et la bombe qu'il a lâchée la semaine dernière sur l'avidité des membres de l'Assemblée nationale constituante (Anc) et sur leur envie pressante de s'en mettre plein les poches avant le prochain scrutin.
Pour la Tweeteuse du Bardo, les Nahdhaouis n'étaient pour rien dans cette affaire d'augmentation des salaires des constituants; Mongi Rahoui avait tort de soulever «avec autant de retard» cette affaire et, d'ailleurs selon elle, il a lui-même empoché le rappel en question. Mme Souid serait aussi en Tunisie pour régler les comptes à «un pays qui n'a rien fait pour elle»...
Nous savions, depuis plus de seize mois, que l'élection «nette et sans bavure» du 23 octobre 2011 était un ratage quasi-total et nous découvrons, chaque jour encore plus, que nous avons élu peu de bons et beaucoup de «moins bons» constituants.
L'émission ''Klem Ennas'' de nos confrères d'Ettounsiya TV, nous a donné, dimanche, l'occasion, une fois de plus, de faire ce constat amer, de nous enfoncer encore plus dans notre désillusion et d'en arriver à la triste conclusion que le 14 janvier 2011 a surpris la majorité des Tunisiens – qu'ils résident dans le pays ou à l'étranger.
Karima Souid avant la constituante...
Une bonne idée reste bonne même si elle est mimée
Karima Souid, ni plus ni moins que les autres constituantes et constituants, est superficielle, trop superficielle, pour mériter de rédiger notre deuxième constitution, celle qui gouvernera la nouvelle Tunisie pour le prochain siècle – deux, trois ou plusieurs autres siècles. A aucun moment de ''Klem Ennas'', Mme Souid ne nous a donné l'impression de maîtriser le moindre sujet: ses interventions étaient toutes faites d'approximations.
Ici, nous ne parlons pas de sa langue arabe, car nul n'est obligé de parler couramment un parfait arabe littéraire pour être le digne représentant du peuple tunisien. D'ailleurs dans ce cas-là, on dirait la même chose de son français...
Pour nous, une bonne idée reste bonne même si elle est mimée.
Karima Souid, si elle nous donne d'apprécier son indéniable innocence et son franc-parler bien particuliers à nos chers concitoyens d'outre-Méditerranée, pèche par manque d'idées intelligentes et pertinentes, à part celle d'avoir décidé de rentrer au pays «qui n'a rien fait pour elle», ni pour sa mère et ses deux sœurs, pour ne plus «être traitée (en tant que Tunisienne émigrée) en vache à lait... qui ne sert uniquement que rapporter des devises». L'on se demande comment Mme Souid avait l'intention d'inscrire ce principe dans la constitution... Passons.
Mme Souid est venue nous expliquer le dilemme cornélien qu'elle a vécu avant d'accepter l'insistante invitation du Forum démocratique pour le travail et les libertés (Ettakatol) de se joindre à lui, l'histoire de son engagement politique précipité et les sacrifices qu'elle a consentis en quittant famille, enfants et affaires afin d'«être présente ici pour écrire la Constitution».
Nous avons également eu droit, à cette occasion, au désormais classique laïus de la Tweeteuse du Bardo sur l'inconfortable position d'«être citoyenne de seconde zone en France et citoyenne de seconde zone en Tunisie».
Pour le reste, Karima Souid devra sérieusement revoir sa copie et sur un bon nombre de sujets.
Karima Souid après la constituante...
Le minimum de solidarité
Sa prestation chez nos confrères d'Ettounissia, dimanche soir, laissait à désirer. Elle n'a pas su convaincre la sniper de service, Maya Ksouri (qui s'est, d'ailleurs, montrée plus indulgente que d'habitude. Etait-ce par solidarité féminine?) sur ses pérégrinations sociales et politiques qui l'ont menée des HLM des Minguettes de Vénissieux, dans la banlieue de Lyon, à Al-Massar, en passant par Ettakatol et l'indépendance au sein de l'Assemblée nationale constituante (Anc). Elle n'arrivera pas, non plus, à expliquer ou à justifier son apport en tant que représentante de la communauté tunisienne à l'étranger – un dixième de la population de notre pays! – à la rédaction de la constitution.
Bref, sa carrière de promoteur de la destination (touristique) Tunisie ne semble pas l'avoir bien préparée à rédiger une constitution, ni à bien jouer le jeu politique. Autrement, comment peut-on choisir d'être dans l'opposition et tirer de cette manière sur Mongi Rahoui, qui a eu l'audace de soulever le lièvre de l'augmentation salariale des constituants, de leur rappel de 8.000 dinars (et plus du quadruple pour Maherzia Lâbidi!) et s'est fait traiter de chien par une constituante nahdhaouie?
Nous comprenons que nos 18 constituants de l'étranger puissent avoir des besoins matériels spécifiques, qu'ils aient deux résidences et les charges que cela implique. La Tweeteuse du Bardo n'a pas manqué de nous le rappeler, d'ailleurs.
L'on aurait tout de même souhaité que Mme Souid d'Al-Massar fasse preuve d'un minimum de solidarité avec Mongi Rahoui du Groupe démocratique.
Ce serait plutôt une affaire de «beurre dans les épinards» qui sépare les deux constituants. Pour s'en convaincre, comparez les photos de Mme Souid du début de son mandat, en novembre 2011, et celles plus récentes, et vous comprendrez que l'air de la Constituante est très sain.