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La célébration de la Fête internationale du travail, a rassemblé, mercredi, sur l'Avenue Habib Bourguiba, à Tunis, les syndicalistes opposés au gouvernement d'Ennahdha, et quelques Nahdhaouis venus perturber la fête des travailleurs?

Reportage de Yusra N. M'hiri

 L'Union générale tunisienne du travail (Ugtt) a organisé, aujourd'hui, un rassemblement ouvrier devant son siège principal à la Place Mohamed Ali au centre-ville de Tunis, pour célébrer la Fête internationale du Travail.

Houcine Abbassi, secrétaire général de l'Ugtt, a prononcé un discours à cette occasion, où il a dénoncé les recrutements dans les administrations et établissements publics jugés de non équitables et basés non pas sur la compétence mais sur l'appartenance partisane.

Le ridicule ne tuant pas, le CpR s'est découvert une "âme travailliste", mais les "Dégage" étaient au rendez-vous.!

M. Abassi a stigmatisé aussi la violence et la peur que certaines parties cherchent à instaurer en Tunisie, ajoutant que cela «n'arrêtera pas l'Ugtt dans son action et sa volonté d'améliorer les conditions de la classe ouvrière.»

La fête du... chômage

Les manifestants ont par la suite rejoint l'avenue Habib Bourguiba, où se sont rassemblés des milliers d'individus, venus célébrer la fête du travail ou du... chômage, comme l'ont ironisé certains manifestants, un fléau qui touche plus de 17% de la population active et près de la moitié des diplômés de l'enseignement supérieur.

Les revendications des manifestants, en majorité des syndicalistes et des militants du Front populaire, étaient surtout d'ordre politique. Des jeunes brandissaient des pancartes caricaturant les hommes politiques de l'Etat provisoire (un provisoire qui dure longtemps).

Les jeunes caricaturistes du Watad: l'Assemblée constituante tunisienne "achetée" par le Qatar. Le trait est à peine grossi.

«Nous ne sommes pas dupes, nous, les jeunes d'aujourd'hui. Nous sommes éveillés. Nous comprenons toutes les manigances de la Troïka. Les doubles salaires des députés et leurs indemnités exorbitantes sont une insulte pour les jeunes qui peinent à trouver du travail et à se construire un avenir. Si, au moins, ces chers députés travaillaient avec conscience professionnelle pour mériter tout l'argent qu'ils prennent aux contribuables!», explique à Kapitalis un militant du Parti des patriotes démocrate unifié (Watad). Son opinion est partagée par des partisans du Front populaire et du Parti républicain (Al-Jomhouri) défilant à ses côtés.

Ne jamais lâcher prise, pour la Tunisie

A quelques pas de là, une tente est installée sur l'Avenue Habib Bourguiba. A l'entrée, une effigie du martyr Chokri Belaïd, leader du Watad et du Front populaire assassiné le 6 février dernier par un groupe d'islamistes proches d'Ennahdha. Basma Khalfaoui, sa veuve, à la force et au courage inébranlables, est venue dédicacer des cartes postales avec les photos de Chokri Belaïd et profiter de l'occasion pour rappeler «qu'il ne faut jamais lâcher prise, pour la Tunisie» et pour que «la vérité soit faite sur l'assassinat de Chokri et que les commanditaires du crime soient démasqués.»

Jeunes caricaturistes du Watad: Marzouki, président de la république bananière de Tunisie.

Quelques individus se sont mêlés de la foule pour crier que la célébration n'avait pas lieu d'être, car, selon eux, les partis de l'opposition et l'Ugtt sont des «vendus, appartenant à l'ancien régime et au Rassemblement constitutionnel démocratique» (Rcd, ancien parti au pouvoir). Ces provocateurs, dont l'appartenance peut être facilement devinée, estiment donc que toute manifestation qui n'est pas en faveur du gouvernement légitime n'est qu'«une vaste mascarade, manipulée par ''Aytem Ben Ali'' ( les orphelins de Ben Ali, l'ex président)» (sic !).

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Le Parti des Travailleurs met ses jeunes à l'avant.

Ils n'étaient pas plus d'une trentaine de personnes, mais tentaient de faire le maximum de bruit, entrecoupant leurs slogans anti-opposition par des «Allahou Akbar» (Dieu est grand), de façon à ne laisser aucun doute sur leur appartenance ou sur celle des commanditaires de leur show. Ils ont, d'ailleurs, clairement expliqué aux manifestants que «les louanges ne vont qu'à Dieu» et que «seul Dieu mérite d'être célébré».

A «l'autre bord», on se contente de rigoler des ces hurluberlus venus de nulle part, en leur rétorquant: «Choco Tom dégage !», par allusion à la marque de biscuits souvent distribués (en plus d'un billet de 10 dinars et d'une bouteille d'eau minérale) aux participants aux marches organisées par Ennahdha. Mais les hommes de Lotfi Ben Jedou, nouveau ministre de l'Intérieur, ne sont jamais loin. Ils sont aussi nombreux que les manifestants, déployés sur toute l'étendue de l'Avenue Habib Bourguiba, pour éviter d'éventuelles altercations. Il faut dire qu'ils n'ont pas eu à beaucoup intervenir pour maintenir l'ordre.

Une tente dédiée à la mémoire de Chokri Belaïd: pour ne jamais oublier... 

Anciens Rcdistes et nouveaux Nahdhaouis

Une fois n'est pas coutume, une poignée de dirigeants et militants du Congrès pour la république (CpR ou Al-Moatamar) ont cru devoir fêter leur 1er Mai. A leurs détracteurs qui les accusaient de mentir au peuple, de chercher à accaparer le pouvoir et de vouloir empêcher l'organisation de nouvelles élections, ils reprenaient la même rengaine: «Rcdistes dégagez! Vous n'avez aucun poids. Souvenez-vous des élections de la constituante : vous aviez obtenu 0 et quelque, et vous osez rêver d'élections... Allez vous laver les pieds et au dodo, laissez nous en paix!».

Cette manifestation ne serait pas comme toutes celles qui l'ont précédée, sans la présence des inévitables Ligues de protection de la révolution (LPR), milices au service d'Ennahdha. Ils étaient donc au rendez-vous, et déambulaient sur l'avenue, pour revendiquer leur droit d'exister, en criant «Citoyens, nous sommes là pour vous aider et pour sauver la révolution des mains sales des ex-Rcd».

Basma Belaïd fidèle à la mémoire de son défunt époux: "Qui a tué Belaïd?"

Ceux que les LPR qualifient d'«ex-Rcd», ce sont, on l'a compris, tous ceux qui s'opposent aujourd'hui à Ennahdha. Mais les vrais «ex-Rcd» qui ont fait entretemps allégeance à Ennahdha, considérés, selon la même logique partisane, comme les héritiers légitimes de la révolution du 14 janvier 2011. Et ce sont eux, ces rats des fameuses cellules destouriennes et ex-indicateurs de la police politique de Ben Ali qui, aujourd'hui, brandissent l'étendard des LPR et roulent pour les islamistes, les nouveaux maîtres du pays.