Yadh Ben Achour, architecte des institutions de la transition en Tunisie, ne croit pas à la possibilité de tenir des élections avant au moins un an. Les dates annoncées par la troïka seraient donc une grossière tromperie.
Par Marwan Chahla
Yadh Ben Achour, ex-président de la Haute instance pour la réalisation des objectifs de la révolution (Hiror), qui a veillé à l'organisation des premières élections libres et transparentes dans le pays, le 23 octobre 2011, a démonté, lundi soir, la fumisterie de la possible tenue d'élections législatives et présidentielles vers la fin de cette année.
Les retards accumulés
Invité de Nessma TV, le professeur en droit constitutionnel a démontré que, pour plusieurs raisons, toutes les dates données par ceux qui aujourd'hui détiennent le pouvoir sous-estiment l'importance de ces scrutins et l'énorme travail qu'exige leur organisation dans de bonnes conditions. «Il y a des priorités qu'il faut respecter», avertit-il. «A moins que...». (Fin de l'émission).
Depuis plus d'un an et demi, les retards en tous genres se sont accumulés, toutes les lenteurs, intentionnelles ou involontaires, ont élu domicile dans notre pays et notre Révolution du 14 janvier n'a pas tenu ses promesses. Et, si l'on a bien compris Yadh Ben Achour, il va falloir que nos attentes «attendent» encore plus. Sans vouloir porter ses accusations contre une personne ou une partie précise, l'expert en droit constitutionnel, auquel la Tunisie doit au moins la mise en place des institutions chargées de veiller sur la transition démocratique, a clairement expliqué que pour des raisons techniques (au moins) il serait impossible d'organiser des élections d'ici la fin de présente année.
Tenir des élections n'est pas une mince affaire, a-t-il expliqué à nos confrères animateurs de l'émission ''Ness Nessma''. «Il ne suffit de décider, comme cela, d'organiser des élections pour que celles-ci aient lieu. D'ailleurs, depuis plus d'un an et demi, on n'a pas cessé de décider (sur cette question)», étayant ses propos en énumérant les obstacles à surmonter et les tâches dont il faudra s'acquitter.
A moins que...
Pour M. Ben Achour, «il y a des priorités et des conditions qu'il faut respecter et en l'absence desquelles il ne sera pas possible d'organiser des élections». Et, tendant une copie de la troisième mouture du projet de la future constitution, son jugement a été catégorique et sévère: le document, dans sa présente version et avec les rectifications et changements qu'il faudra y apporter, «nécessitera une plus longue réflexion, la révision de sa rédaction et de bien d'autres choses – bien d'autres choses qui ne sont pas acceptables sous leurs formes actuelles».
Le professeur a également rappelé que la recette de l'organisation des prochaines élections manque toujours de ses ingrédients essentiels, énumérant pêle-mêle les textes de transition pour mettre en application la nouvelle constitution, le Code électoral et l'Instance supérieure indépendante des élections (Isie).
Explicitant encore plus ses propos, M. Ben Achour a déclaré que «l'Isie, une fois élue, devra s'atteler à plusieurs tâches: sa mission comprend, notamment, l'informatisation de l'opération, l'organisation administrative, le budget à allouer pour cette entreprise, la détermination des circonscriptions électorales, l'enregistrement des électeurs, etc. Et tout cela n'est pas une affaire d'un ou de deux mois... A moins que l'on veuille...». L'invité de ''Ness Nessma'' n'a pas fini sa phrase, car le temps imparti s'est écoulé.
Qu'il nous permette de la finir à sa place: à moins que des esprits malintentionnés ne veuillent bâcler le scrutin et tenter de faire croire en leur compétence. Or, il a été amplement prouvé, depuis octobre ou décembre 2011 (date de l'élection de l'Assemblée nationale constituante ou celle de la formation du premier gouvernement nahdhaoui), que les trois présidences (à Carthage, la Kasbah et au Bardo) qui ont gouverné le pays ont été des plus incompétentes.