Cent jours après sa mort, le défunt dirigeant politique Chokri Belaïd continue de «rassembler» des centaines de Tunisiens, chaque mercredi, à l'Avenue Habib Bourguiba à Tunis, pour exiger toute la vérité sur son assassinat. Vidéo.
Par Yüsra N. M'hiri
C'est d'une ambiance très émouvante que les partisans du Front populaire se sont réunis aujourd'hui comme à l'accoutumée, à l'avenue Habib Bourguiba, pour la 14e fois depuis l'assassinat politique de Chokri Belaid, pour crier «Qui a tué Chokri?» et mettre ainsi la pression à la police judiciaire et le juge d'instruction chargé de l'affaire, qui se hâtent très lentement.
Manifestants marchant sur l'avenue Habib Bourguiba: "Nous sommes désolé, camarade!"
«Ghannouchi, on sait que tu sais»
«Ghannouchi, on sait que tu sais, sorts et dis-nous la vérité», ont crié les manifestants devant le ministère de l'Intérieur. Alors que l'enquête piétine et que les soupçons se portent sur des éléments proches du parti islamiste Ennahdha, la famille du défunt, les militant de son parti et la majorité du peuple tunisien s'impatientent de connaître la vérité sur cet attentat : ses exécutants et leurs commanditaires.
Quelques jours avant sa mort, Chokri Belaïd avait accusé, dans des interventions dans les médias, les Ligues de protection de la révolution (LPR), des milices travaillant pour Ennahdha, de semer la violence dans le pays. Il avait aussi prévenu contre la montée de la violence politique et appelé les acteurs politiques et associatifs à l'organisation d'une conférence nationale sur les moyens de la prévenir.
Aujourd'hui, lors de la manifestation, des bandes audio ont raisonné devant le théâtre municipal, avec la voix de l'opposant assassiné, qui met en garde contre les agressions et les appels à la haine. Dans des extraits d'interviews, il voyait dans la montée des mouvements islamistes en Tunisie de «projet servant un plan de déstabilisation américano-qatari-sioniste» et reprochait à Ennahdha son indulgence voire sa sympathie envers les mouvements extrémistes.
Les femmes, les larmes aux yeux, ont laissé éclater des youyous en souvenir du martyr.
''Hayak baba hayak''
La voix de Chokri Belaid a ressuscité une grande ferveur chez les manifestants. Certains étaient émus aux larmes. ''Hayak baba hayak'', la chanson que le défunt dirigeant avait chantée quelques jours avant sa mort sur un plateau télévisé, était reprise par la foule. Cette chanson triste, où l'on parle d'Adieu, les Tunisiens en ont changé les paroles pour raconter le destin de Chokri Belaïd: «Notre soleil s'est couché pour l'éternité».
A cette triste évocation, les femmes, les larmes aux yeux, ont laissé éclater des youyous en souvenir du martyr, et les participants ont promis de ne pas lâcher la pression, tant que «la vérité n'est pas dévoilée au grand jour».