M. Ghannouchi, comme tout despote, préfère ne pas regarder la réalité en face, celle de l'échec du gouvernement issu de son mouvement, Ennahdha, incapable de hisser au niveau requis d'un parti aux commandes.
Par Imed Bahri
«La révolution dispose de ses propres gardiens qui s'opposeront au retour du despotisme et de la corruption...»
Ce n'est pas là une citation de l'ayatollah Khomeiny, qui a volé la révolution iranienne et instauré une république islamique, mais... une déclaration de Rached Ghannouchi, le président du mouvement islamiste tunisien Ennahdha.
Ghannouchi, l'otage des radicaux d'Ennahdha
M. Ghannouchi, qui s'exprimait, dimanche, à Sfax, à l'occasion de la célébration du 32e anniversaire de son mouvement, a indiqué, à ce propos, que les projets de loi de justice transitionnelle et d'immunisation de la révolution seront soumis à l'Assemblée nationale constituante (ANC), en attendant, a-t-il dit, l'ouverture des archives de tous les services de l'Etat avant les prochaines élections.
Brrr... Beaucoup, dans les rangs d'Ennahdha, tremblent déjà à la perspective des révélations qui seront faites sur les trahisons des «frères», les dénonciations et les rapports qu'ils faisaient, les uns sur les autres, pour le compte de la police politique de Ben Ali... Et, d'ailleurs, pourquoi, ces archives ne sont-t-elles pas publiées dès maintenant ? Va-t-on prendre encore du temps pour sélectionner celles qui méritent d'être publiées et celles qui ne devraient pas être portées à la connaissance du public?
Le chef d'Ennahdha, de plus en plus proche des éléments extrémistes de son parti, a ajouté, dans son inoubliable discours de Sfax, tel un despote préparant ses troupes au dernier assaut, que les militants d'Ennahdha se dresseront contre tous ceux qui veulent «anéantir» le mouvement islamiste, les accusant d'user de faux arguments pour déstabiliser le parti et semer la zizanie dans le pays.
La veille, à Tunis, lors d’une manifestation à l'occasion du 32e anniversaire d’Ennahdha, le dirigeant islamiste avait eu recours à la même thèse du complot contre son parti assailli d’ennemis qui cherchent sa perte: «Le mouvement Ennahdha va perdurer malgré les complots et les conspirations et restera au pouvoir aussi longtemps que les gens seront enchantés», avait-il dit.
M. Ghannouchi ne se doute même pas qu'il reprend là l'argument habituel de tous les despotes – de Hitler à Staline, de Khomeiny à Kadhafi, et de Ben Ali à Moubarak – : le parti au pouvoir est en danger et la nation menacée par les ennemis intérieurs et extérieurs.
Le Khomeiny tunisien, piètre tribun, grand menteur devant l'Eternel et despote en puissance, s'est déclaré convaincu que le peuple tunisien, qui a choisi de voter Ennahdha, le 23 octobre 2011 (seuls 20% des Tunisiens ont, en réalité, voté pour les islamistes), renouvellera sa confiance en ce mouvement lors des prochaines élections, malgré «les quelques erreurs commises», a-t-il précisé.
Les usurpateurs islamistes se croient éternels
On appréciera, au passage, ce gentil mot d'«erreurs» pour désigner le honteux bilan et les grosses bourdes des deux gouvernements Hamadi Jebali et Ali Lârayedh. Mais on retiendra aussi ce qu'a dit M. Ghannouchi pour dédouaner tous ces incompétents qu'il a nommés à la tête des ministères, entreprises publiques, directions générales, gouvernorats, délégations et autres échelons de l'Etat et de l'administration. «Le peuple tunisien est intelligent et sait pertinemment que les objectifs qui n'ont pas pu être réalisés en plus de cinquante ans, ne pourraient être atteints en seulement deux ans», a dit M. Ghannouchi.
En d'autres termes: Ennahdha est là pour, au moins, un demi-siècle. Bonne nouvelle pour les Tunisiens et les Tunisiennes qui ont fait la révolution pour voir des usurpateurs islamistes la leur voler!
Preuve, s'il en est encore besoin, que M. Ghannouchi a envie de rester au pouvoir au-delà de toute limite : il met en doute la crédibilité des sondages d'opinion relatifs à la popularité des partis politiques, estimant que ces sondages ne reflètent pas la réalité. Ces enquêtes ont, il est vrai, la fâcheuse manie de dire ce que M. Ghannouchi n'aime pas entendre, à savoir que c'est Nida Tounes et Béji Caïd Essebsi qui sont, aujourd'hui, aux premiers rangs des intentions de vote des Tunisiens.
Pour ne pas regarder la réalité en face, celle de la faillite de son gouvernement, incapable de se hisser au niveau requis d'un parti aux commandes, M. Ghannouchi, en bon despote en puissance, préfère nier la réalité. Au lieu de soigner la fièvre, il préfère casser le thermomètre.