A l'occasion de la visite d'Etat du président français à Tunis, les 4 et 5 juillet, RSF et HRW font part de leurs inquiétudes concernant la liberté d'expression en général et la liberté de la presse en particulier.
Par Seif Eddine Yahia
A la veille de la première visite du président Hollande en Tunisie, Human Rights Watch et Reporters sans Frontières en appellent au président français et font publiquement part de leurs craintes en matière de respect des droits de l'homme en Tunisie.
Le président Hollande, venu donner un message d'encouragement à la population et aux dirigeants tunisiens, sera sans doute amené à évoquer la question de la liberté de la presse et de la liberté d'expression avec le président provisoire Moncef Marzouki ainsi qu'avec l'ensemble des dirigeants politiques tunisiens qu'il rencontrera lors de ce voyage.
RSF souligne les lacunes de la nouvelle Constitution
RSF est revenu, dans sa lettre ouverte adressée à Hollande, sur les craintes que lui inspire le nouveau projet de Constitution et notamment sur l'article 124 appelant à la création d'une instance de régulation du secteur de l'information et des médias. Le spectre du retour de la censure hante ce projet de contrôle institutionnel des médias.
L'Ong rappelle également que la liberté d'expression garantie par l'article 30 de la Constitution tunisienne souffre de trop d'exceptions. Les textes s'avèrent assez flous et ne présentent, aux yeux de RSF, pas assez de garanties en matière de liberté d'expression, de liberté d'opinion et de liberté de la presse.
La volonté d'indépendance du pays face aux conventions internationales, notamment en ce qui concerne les droits de l'Homme, constitue un motif d'inquiétude supplémentaire pour RSF. Le souhait des rédacteurs de faire prévaloir la Constitution tunisienne sur les accords internationaux (article 19 de la Constitution) invite les commentateurs de l'Ong à la plus grande méfiance.
De manière générale, le flou laissé par le projet de Constitution concernant les libertés fondamentales, ainsi que la possibilité pour le pays de se défausser de ses obligations internationales, inquiètent Reporters sans Frontières au plus haut point.
Dans un document de trois pages joint à cette lettre ouverte, RSF a commenté point par point l'ensemble des motifs d'appréhension émanant du nouveau projet de Constitution, points évoqués par ailleurs dans la lettre ouverte de RSF au président français.
Pour toutes ces raisons, mais aussi à cause des trop nombreuses agressions dont ont été victimes les journalistes en Tunisie depuis la Révolution, RSF demande au président Hollande d'évoquer l'ensemble de ces sujets avec le président Marzouki.
Même inquiétude pour HRW
Le constat est à peu près similaire dans le communiqué diffusé le 2 juillet 2013 par Human Rights Watch.
Eric Goldstein, directeur adjoint de la division Moyen-Orient et Afrique du Nord d'HRW a ainsi rappelé que le délit d'opinion existe toujours partiellement, sous couvert d'atteintes aux bonnes mœurs ou de trouble à l'ordre public.
Malgré des progrès remarquables en matière de liberté d'expression depuis la chute du régime dictatorial, HRW est revenu dans le détail sur l'ensemble des affaires où l'utilisation du droit à la parole avait entraîné une mise en examen, une condamnation ou une série de problèmes d'ordres divers.
Les cas de Weld El 15, de Ghazi Beji ou de Nadia Jelassi entre autres, constituent autant de situations qui, pour HRW, relèvent du non-respect de la liberté d'expression de la part de la justice tunisienne. Le nombre important d'affaires apparues depuis 2011 dans ce domaine amène HRW à rappeler que le pays doit encore fournir des efforts à ce sujet.
L'organisation en appelle également au président français pour un dialogue sur ces sujets sensibles avec M. Marzouki.
A l'issue de cette visite, nous saurons si les deux présidents ont pris acte des constats faits tant par Human Rights Watch que par Reporters sans Frontières.
Lettre de RSF au Président de la République française.