Le Front Populaire organise, en coordination avec une coalition de la société civile, une manifestation, le 6 août, à Tunis, à la mémoire de Chokri Belaïd, assassiné 6 mois plus tôt, par un groupe d'extrémistes religieux. Pour exiger la vérité sur ce crime...
Par Yüsra N. M'hiri
Il d'agit pour les manifestants de lancer, à cette occasion, un nouvel appel aux autorités policières et judiciaires pour qu'elles fassent avancer l'enquête sur cet assassinat, qui fait étrangement du surplace depuis 6 mois, malgré les pressions de la famille du défunt et de l'opinion publique, soucieuse de connaître la vérité sur cette tragédie qui a endeuillé des millions de citoyens.
Mercredi 6 février 2013 : Chokri Belaïd, avocat et icône du militantisme de gauche, est lâchement abattu par 3 coups de feu, au pied de son immeuble, alors qu'il se rendait à son travail. C'est un tremblement de terre, un «tsunami politique» qui frappe la Tunisie encore chancelante dans sa transition politique poussive et incertaine.
Le jour de l'enterrement du leader de gauche, des centaines de milliers de personnes venues de partout au cimetière du Jellaz à Tunis, pour lui rendre un dernier hommage et l'accompagner à sa dernière demeure, dans le carré des Martyrs, à côté de la tombe de Salah Ben Youssef, une autre victime d'assassinat politique.
Depuis, tous les mercredis, les partisans du Front populaire – mais pas seulement – se rassemblent devant le ministère de l'Intérieur pour une manifestation intitulée «Qui a tué Chokri?». Qu'il pleuve, qu'il vente ou qu'il neige, sa famille, ses amis et collègues, ainsi que des citoyens tunisiens, se rendent à l'Avenue Habib Bourguiba pour cet inconditionnel rendez-vous où les slogans accusent de plus en plus ouvertement le parti islamiste Ennahdha d'être responsable de cet assassinat, du moins politiquement, le défunt ayant fait l'objet de nombreuses accusations, notamment de mécréance, de la part de dirigeants de ce parti.
Basma Khalfaoui proteste avec le Front populaire pour exiger la vérité sur l'assassinat de son mari.
Cela fait près de six mois que les assassins sont recherchés. L'enquête traine, prend du temps, trop de temps. Des portraits robots des présumés assassins ont été diffusés par le ministère de l'Intérieur. Il dira qu'ils appartiennent tous à la mouvance islamiste extrémiste, mais sans suite rassurante et concrète. Quid du présumé assassin? Un certain Kamel Kadhgadhi qui s'est évaporé dans la nature, passant par les mailles du filet, comme si on lui a facilité la fuite hors de Tunisie? Qui sont les commanditaires du crime? Et les cadres d'Ennahdha cités par l'homme d'affaires Fathi Dammak, poursuivi dans le cadre d'une affaire de trafic d'armes et de préparation d'attentats, pourquoi n'ont-ils pas été entendus et arrêtés pour les besoins de l'enquête? Qui a intérêt à cacher la vérité et, donc, à empêcher l'enquête d'avancer ? Pourquoi ne change-t-on pas le juge d'instruction chargé du dossier, comme l'a officiellement demandé la famille de Chokri Belaïd?
Voyant l'enquête trainer, l'Initiative nationale pour la vérité sur l'assassinat de Chokri Belaid (Irva), dont Basma Khalfaoui, veuve du martyr, est membre, a accusé, en avril dernier, la police et la justice de laxisme dans cette affaire, soulignant le manque de motivation comme première raison.
Le 6 juillet le président de l'Irva, Taieb Laâguili, a annoncé que des avocats français ont été chargés de suivre l'affaire devant la justice tunisienne.
La manifestation du 6 août, qui sera d'une certaine envergure, fera-t-elle réagir la justice, ou celle-ci n'a-t-elle pas les coudées franches pour mener l'enquête comme elle l'entend?
De leur côté, les partisans du Front populaire affirment qu'ils «ne lâcheront pas», comme le leur avait demandé Chokri, quelques jours avant son assassinat.