Dans son entretien avec ''Le Monde'', le président provisoire de la république Moncef Marzouki parle comme un observateur étranger et non comme l'incarnation même de l'Etat et du pouvoir exécutif.
Par Seif Eddine Yahia
Hier, suite à l'assassinat du député de l'opposition Mohamed Brahmi, le président provisoire de la république tunisienne, M. Marzouki a accordé une interview à Florence Beaugé pour le journal ''Le Monde''.
Au cours de cette interview, le président provisoire a rappelé que les évènements vécus par la Tunisie n'ont rien à voir avec ceux qu'a pu connaitre l'Egypte lors de ces dernières semaines. M. Marzouki a insisté sur la gravité de cet assassinat qui survient un jour hautement symbolique (le 25 juillet, fête de la république) et à un moment critique pour l'avenir du pays. Il a en effet rappelé que le pays était dans le dernier quart d'heure de la période de transition et que les dates des prochaines élections allaient être très prochainement dévoilées.
Selon lui, les assassins auraient agi pour, d'une part, faire diversion suite aux révélations concernant l'affaire Belaïd et, d'autre part, pour déstabiliser la nation tunisienne.
Un constat optimiste, surtout quand on sait que le consensus national et la légitimité du pouvoir sont fortement contestés depuis plus d'un an. M. Marzouki parle de dernier quart d'heure de transition là où d'autres auraient plutôt parlé de prolongations injustifiées. Quant à la date des élections, celle-ci est sans cesse promise puis repoussée sine die pour d'obscurs motifs. La révélation d'une date prochaine pour les élections laisse donc une grande partie de l'opinion publique sceptique.
On peut saluer la volonté de M. Marzouki de ne pas noircir la situation, qui est déjà assez noir sans qu'il ait besoin d'y rajouter, afin de ne pas tomber dans le sensationnel, mais on tombe ici dans le déni des problèmes qui affectent actuellement le pays.
Méthode Coué, volonté de dissimuler la réalité à la population ou méconnaissance de la situation réelle du pays?
En cherchant à rassurer à tout prix la population, le président ne fait qu'ajouter de la confusion à une situation déjà tendue. Il ne donne pas non plus l'image d'un chef d'Etat qui est en phase avec les préoccupations et les souffrances de son peuple. Il parle comme un observateur étranger et non comme l'incarnation même de l'Etat et du pouvoir. C'est à se demander si, près de deux ans après son entrée au Palais de Carthage, M. Marzouki a une conscience réelle de son rôle et de sa mission.