Entre 100 et 120.000 personnes se sont donné rendez-vous, mardi soir, au Bardo pour appeler à la dissolution du gouvernement Larayedh et de l'Assemblée nationale constituante (ANC).
Par Zohra Abid
Selon les organisateurs de ce rassemblement, organisé également pour commémorer le 6e mois de l'assassinat du dirigeant de gauche Chokri Belaïd, le nombre des participants a dépassé largement les 100.000 personnes venues de toutes les régions du pays pour exprimer leur ras-le-bol et appeler à la mise en place d'un gouvernement de salut national pour conduire la prochaine phase et veiller à la préparation des prochaines élections.
"Hayek baba hayek"
A minuit pile, la Place du Bardo et les artères voisines (avenue 20 mars et celle de Habib Bourguiba) étaient noires de monde. Des vagues humaines, toutes générations confondues, ont entonné l'hymne national. Entre-temps, avant et après, ils ont scandé des slogans hostiles à Rached Ghannouchi, président du parti islamiste Ennahdha (au pouvoir), qualifié d'«assassin» et ses partisans qualifiés de «terroristes».
Les femmes tunisiennes, voilées ou pas, aux premières loges de la contestation.
Les participants, dont un grand nombre de femmes, ont agité des drapeaux et des affiches condamnant le terrorisme, appelant le gouvernement provisoire, incompétent et arrogant, à démissionner, et les députés de l'ANC à dégager. Ils n'ont pas oublié de reprendre en choeur la chanson de l'Irakien Kadhem Al-Ghazali, "Hayek baba hayek", rendue célèbre par feu Chokri Belaïd qui l'a interprétée sur un plateau de télévision peu de temps avant sa mort.
La soirée a été marquée par un grand hommage posthume rendu non seulement à Chokri Belaïd, leader du Front populaire, assassiné le 6 février 2013 par des extrémistes religieux, mais aussi à Lotfi Nagdh, coordinateur de Nida Tounes à Tataouine, tué en octobre 2012, Mohamed Brahmi, député de l'opposition, assassiné le 25 juillet, jour de la Fête de la république, ainsi qu'aux militaires et agents de la sécurité tués dans des affrontements avec les éléments jihadistes réfugiés sur le Mont Chaambi.
100.000 manifestants selon la police, 120.000 selon organisateurs: la mobilisation se maintiendra après l'Aïd jusqu'au départ du gouvernement.
Maintenir la pression
Des feux d'artifices étaient tirés, tout au long de la soirée, qui a duré tard dans la nuit du mardi à mercredi, illuminant le ciel du Bardo, entrecoupée de speechs de dirigeants de l'opposition, notamment la soixantaine de députés ayant suspendu leur mandat, de militants de la société civile, d'artistes et de poètes, qui ont appelé, chacun avec ses mots, à tourner la page d'une Troïka dont le seul mérite est d'avoir montré, après un an et demi, l'immensité de son incompétence, faisant perdre au pays un temps précieux et hypothéquant les chances de succès de la transition démocratique tunisienne.
Les participants au Sit-in du Départ ont exprimé leur détermination à maintenir la pression et à ne lâcher prise qu'après avoir fait tomber le gouvernement islamiste pour le remplacer par un gouvernement de salut national composé de compétences et qui conduira le pays jusqu'aux prochaines élections législatives.