Dans la «Lettre ouverte à la 217e élue de l'Assemblée nationale constituante Mehrezia Laabidi», publiée sur sa page Facebook, que nous reproduisons ci-dessous, Karima Souid*, députée de l'Alliance démocratique, rappelle à la vice-présidente de l'ANC ses quatre vérités.
"Je me trouve obligée de répondre à une intervention de "Madame Mehrezia" alors que le pays est en danger, alors que la Tunisie souffre, alors que nous traversons une très grave crise politique, institutionnelle et sécuritaire.
Je le fais car c'est le moment de faire tomber les masques car cette dame là n'a jamais compris que mon silence était le meilleur des mépris. Je vais donc le rompre...
Alors qu'au Bardo des citoyens disent NON et demandent que l'ANC suspende définitivement ses travaux.
Alors qu'au Bardo, près du tiers des député(es) se sont retiré(e)s pour exprimer leur rejet de ce qu'est devenue l'institution de l'ANC . Rejet tant sur le fond que sur la forme.
Alors que nous avons été élus pour penser et rédiger une constitution dans un délai de un an, nous-nous sommes trouvés amenés, par la volonté tyrannique de la majorité, à perdre du temps sur le terrain législatif et celui du contrôle factice de l'activité gouvernementale.
Les travaux des commissions constitutionnelles ont fini par être ignorés et vampirisés par la Commission dite Habib Kheder. Sur la forme, car «Madame Mehrezia» a confondu l'ANC avec une piscine municipale où son seul rôle se limitait à des séances de chronométrage, partiales, des interventions des député(es).
Vous avez pourri l'ambiance par votre posture. Vous avez braquez l'opposition par vos interventions intempestives.
Vous avez dénigré et menti comme encore dans votre intervention sur radio Express FM, aujourd'hui, me visant ainsi que mon collègue Mongi Rahoui à qui je voue respect et admiration.
Vous êtes le symbole de l'échec de cette ANC. Vous avez terrorisé les réalisateurs de la TV nationale tunisienne en vous ingérant dans leur travail, en allant même jusqu'à leur imposer les prises de vues de leurs caméras. A tel point, que la Haute autorité indépendante de la communication audio-visuelle (Haica) vous a remis en place. Vous vouliez confiner les journalistes présents à l'ANC dans de petits aquariums et je ne vous ai pas laissé faire. Vous avez réinstauré l'ambiance des mouchards et des lèche-bottes par vos menaces insidieuses et répétitives.
Vous avez été «Madame Mehrezia» dans la continuité des Jdanov de la communication du système Ben Ali et là, j'admets que je ne sais pas faire et que, contrairement à vous, je suis fière de ne pas savoir faire.
Vous avez refusé l'application de l'article 77 du règlement intérieur me donnant les moyens matériels de mener ma mission dans les meilleures conditions. Vous-vous faisiez un plaisir et vous délectiez de me voir me démener, me battre, SEULE, lors de la publication des communiqués officiels oraux et écrits. Vous omettiez chère «Madame Mehrezia» qu'en vous comportant ainsi, vous négligiez et discriminez une partie de l'électorat de l'étranger qui vous a portée sur ce perchoir.
Vous avez été jusqu'à m'agresser physiquement devant des journalistes à qui vous demandiez de ne pas communiquer avec moi en raison de mon handicap linguistique et de ne s'adresser qu'à vous pour préempter une fonction de plus, celle de l'information et de la relation avec les médias.
Vous-vous êtes permis aujourd'hui de me traiter sur les ondes de la radio Express FM de «meskina, ne sachant pas parler l'arabe et s'absentant souvent».
Vous n'êtes pas sans savoir que les observatoires de transparence de l'ANC me donnent des taux de présence des plus élevés. Contrairement à vous, j'ai refusé un grand nombre de conférences et de déplacements aux frais de la princesse, aux frais du peuple, qui aujourd'hui est symboliquement regroupé car il considère avec justesse que les objectifs de la révolution ont été détournés, oubliés, méprisés, dénigrés.
Vous n'êtes pas sans savoir que je suis fière aujourd'hui de pouvoir m'adresser en arabe et de répondre aux interrogations, aux questionnements, aux doutes, aux craintes et aux peurs que vous avez contribué à susciter.
Pour finir, la loi d'immunisation de la révolution à laquelle vous donnez l'impression de tant tenir vous concerne d'abord et avant tous, dans cette période post révolutionnaire.
Vos méthodes sont celles du passé. Vous êtes sortis de l'histoire de cette révolution sans jamais y être entrée. Votre statue virtuelle est érigée en épouvantail dans ce sit-in du Bardo."
* Députée, élue le 23 octobre 2011, sur une liste de la circonscription de France 2, l'auteure est assesseur chargée des relations avec les médias au sein de l'Assemblée nationale constituante (ANC). Elle fait partie des quelques 70 députés qui se sont retirés de l'ANC pour exiger la dissolution de cette institution et du gouvernement provisoire et la mise en place d'un gouvernement de salut national.