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-Slogans haineux, appels à la guerre sainte, confusion politique et religion, agression de journalistes : il y avait, hier, à l'avenue Bourguiba, toute la panoplie des abus que le parti Ennahdha et ses satellites commettent dans leurs démonstrations publiques.

Reportage de Seif Eddine Yahia

Reprenant l'appel à un «vendredi de la colère» lancé par les Frères Musulmans en Egypte, plusieurs partis islamistes ont appelé à manifester à Tunis. Une manifestation finalement peu suivie mais qui a donné lieu à quelques débordements dans les propos et les actes.

Jamaâ El Fath, fief de l'islamisme musclé au coeur de Tunis

Plusieurs partis, à l'image d'Ennahdha, ou de Tayar Al-Mahabba, le parti de Hechmi Hamdi, avaient appelé à une grande manifestation de soutien aux partisans du président égyptien déchu Mohamed Morsi, actuellement victimes de la répression gouvernementale en Egypte, après la grande prière de vendredi.

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Le drapeau national se fait rare: ici, on est dans un esprit de califat islamique, la oumma prévalant sur l'Etat-nation.

Prenant exemple sur le «vendredi de la colère» que les Frères Musulmans égyptiens ont décrété, les partis islamistes tunisiens ont demandé à leurs sympathisants de venir manifester leur mécontentement face à l'extrême violence avec laquelle l'armée égyptienne s'en est prise aux pro-Morsi depuis le début de la semaine.

Le mot d'ordre de rassemblement a été suivi par les occupants de la mosquée du quartier du Passage qui, comme tout le monde le sait, ne sont pas réputés pour leur sens de la modération.

A la sortie de la prière du vendredi, les fidèles de Jamaâ El Fath se sont dirigés vers l'avenue Bourguiba avant de s'installer devant le théâtre municipal de Tunis.

Bien que des manifestants venus d'autres coins de Tunis aient choisi de grossir le nombre des personnes présentes, celui-ci n'avait rien de très impressionnant: la manifestation n'occupait qu'une infime portion de l'avenue.

Amalgames et drapeaux noirs

Les manifestants n'ont donc pas brillé par leur nombre ni par la qualité des slogans mélangeant allègrement politique et religion et multipliant les amalgames entre la situation des islamistes réprimés en Egypte et ceux actuellement au pouvoir en Tunisie.

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Des slogans mélangeant allègrement politique et religion.

On a pu entendre, ça et là, des appels à la guerre sainte pour défendre la oumma contre les attaques de l'armée de Sissi, mais aussi contre ceux qui, en Tunisie, ont utilisé les assassinats de Belaïd et Brahmi pour salir la communauté des croyants; en d'autres termes, contre les opposants à la légitimité du gouvernement.

Certains slogans rappelaient également que le gouvernement actuellement en place tenait sa légitimité du peuple, mais aussi, de Dieu, et qu'il était, de fait inattaquable. Pas assez convaincant, mais passons...

Lors de la manifestation, on a très peu vu de drapeaux tunisiens, les rares étendards nationaux présents étaient associés à ceux de l'Egypte dont il était question ce jour-là. Par contre, on a pu croiser plusieurs drapeaux noirs, devenus depuis quelques années le symbole de la mouvance salafiste dans le monde entier. L'un de ces drapeaux n'a d'ailleurs pas cessé de flotter sur une des rampes à côté des marches où les différents intervenants haranguaient la foule. Il fallait que cet étendard, agité par les extrémistes religieux sur tous les fronts du jihad, au Mali, en Syrie et en Afghanistan, soit bien visible sur la principale avenue de Tunis.

Le symbolique salafiste a donc largement supplanté celle de la patrie lors de la manifestation, et il est presque amusant de voir que l'hymne national n'a été joué qu'une seule fois sur l'avenue Bourguiba... au moment où plusieurs journalistes tunisiens se faisaient agresser par une foule hystérique.

Les voyous du parti au pouvoir

Les partisans d'Ennahdha ont été relativement discrets lors de cette manifestation, faisant la part belle au parti de Hechmi Hamdi – leur nouvel allié, qui, il y a seulement quelques semaines, était dédaigné et rejeté avec un haut-le-coeur – mais aussi aux factions religieuses les plus extrémistes.

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Le drapeau noir des salafistes jihadistes flotte au dessus de tous les autres. Souriez, vous êtes au Tunistan!

Cependant, Ennahdha était bien présent comme en attestent les bannières du parti rencontrées à plusieurs reprises lors de la manifestation. Le parti au pouvoir avait aussi ramené des groupes de jeunes, certains diront de voyous, pour animer les cortèges.

Ces jeunes d'une quinzaine d'années environ avaient déjà été aperçus lors de la manifestation pour la journée nationale de la femme, le 13 août dernier. Lors de la manifestation d'hier, on a pu remarquer leur présence quand ces derniers ont été à deux doigts de déclencher une bagarre après avoir insulté une femme présente dans l'assistance. Pour faire valoir leur primauté lors des échauffourées avec les autres manifestants, ces jeunes payés par le parti n'ont pas hésité à sortir un badge d'«organisateur» (s'il vous plait!) marqué du sceau d'Ennahdha et caché sous leurs vêtements.

Après l'agression des deux journalistes dont nous avons parlé hier, les manifestants sont restés un moment devant le théâtre municipal avant de se diriger vers l'ambassade d'Egypte, fermée trois jours, par principe de précaution.

Slogans haineux, appels à la guerre sainte, confusion entre politique et religieux, agression de journalistes : tout y était.

Avec ce genre de manifestation et de slogans, les manifestants ont contribué à améliorer l'image du pays dans le reste du monde.

Cependant, il semble qu'un grand nombre des manifestants présents, hier, ne fassent que peu de cas de l'avenir du pays, préférant se référer à des logiques internationalistes et extrémistes importées de l'étranger.