Quoi que disent ses dirigeants, toujours prompts à prôner le contraire de ce qu'ils manigancent, Ennahdha continue de jouer la montre pour ne rien lâcher. C'est lui pourtant qui a le dos au mur et doit céder.
Par Zohra Abid
Dès l'annonce de la vraie fausse ouverture d'Ennahdha, cherchant à diviser l'opposition et à gagner du temps, des appels se sont multipliés sur les réseaux sociaux pour venir nombreux au coup d'envoi de la campagne Erhal (Dégage), samedi, au Bardo.
Autant dire que la manoeuvre du parti islamiste, affirmant avoir accepté l'initiative de l'Union générale tunisienne de travail (UGTT), avant de se rétracter et de se perdre dans de laborieuses explications, a fait pschitt...
Diviser pour régner
Les déclarations de Rached Ghannouchi, jeudi, à l'issue de sa rencontre avec Houcine Abassi, secrétaire général de l'UGTT, à propos d'une soi-disant acceptation de l'initiative de la centrale ouvrière comme point de départ pour la relance du dialogue national, ont suscité une vague de commentaires, aussi passionnés que contradictoires, sur les réseaux sociaux.
Ghannouchi croit pouvoir neutraliser Caïd Essebsi et Nida Tounes pour isoler Hamma Hammami et le Front populaire: sa manoeuvre, très primaire, a fait pschitt!
Certains ont admis, assez rapidement du reste, qu'Ennahdha est revenu finalement à la raison et qu'il conviendrait de le prendre au mot et de se lancer rapidement dans les discussions, car la situation de crise dans le pays requiert un retour rapide à la table des négociations.
D'autres, moins crédules, ont compris le jeu d'Ennahdha qui, comme à son habitude, cherche à diviser ses adversaires pour gagner du temps et faire surtout avorter la campagne Erhal (Dégage), initiative du Front de salut national (FSN), prévue entre le 24 au 31 août.
Ces derniers ont d'ailleurs rappelé les précédentes manoeuvres d'Ennahdha, qui a réussi à absorber la colère du peuple au lendemain de l'assassinat de Chokri Belaïd, en sacrifiant l'ex-chef du gouvernement provisoire, Hamadi Jebali, son secrétaire général, pour faire revenir le processus politique dans le pays à la case... Ennahdha.
Béji Caïd Essebsi et Hamma Hammami, le tandem gagnant du Front de salut national, qui donne des cauchemars à Ennahdha.
Ennahdha a le dos au mur
Ce ne sont pas les épisodes qui manquent attestant de la propension du parti islamiste (au pouvoir) à privilégier ses intérêts sur ceux de la Tunisie et des Tunisiens, qui comptent si peu, à ses yeux, devant le grand dessein des islamistes: le retour du califat islamique.
Il est cependant à craindre que l'opposition ne se laisse une nouvelle fois berner et se retrouve au début d'une nouvelle traversée du désert.
Il faut comprendre que c'est Ennahdha qui est en position de faiblesse, car il a mené le pays au bord de la faillite et appréhende avec beaucoup d'inquiétude les conséquences de la chute des islamistes en Egypte.
Le regain d'agitation de Rached Ghannouchi, pris par une crise de bougeotte, est l'ilustration d'un profond malaise que les dirigeants d'Ennahdha essaient de noyer dans une loghorrée légitimiste qui ne convainct plus personne, en dehors de leurs troupes.
C'est donc à Ennahdha, condamné à sauver sa mise, de faire les concessions les plus douloureuses, et d'abord la dissolution ou la démission du gouvernement Ali Larayedh, responsable de la crise actuelle dans le pays, pour espérer redistribuer les cartes, se reprendre et refaire le chemin perdu dans l'exercice du pouvoir, en perspective des prochaines élections.