Plus de 20.000 personnes ont assisté, samedi, au coup d'envoi de «Ousboû Errahil» (semaine du départ), qui se prolongera jusqu'au 31 août. Et se donnent pour objectif de faire tomber le gouvernement Ali Larayedh.
Par Zohra Abid
Comme lors du rassemblement du 6 août, àl'occasion des 6 mois après l'assassinat de Chokri Belaid, et celui du 13 août, pour célébrer la Fête nationale de la Femme, les gens sont venus massivement en ce samedi 24 août au Bardo.
A l'appel lancé par le Front du salut national (FSN), de nombreuses associations se sont donné rendez-vous à la Place Bab Saâdoun dès 18 heures.
Les manifestants brandissaient des slogans appelant à la dissolution du gouvernement provisoire, qualifié d'impuissant et d'incompétent, et son remplacement par un gouvernement de salut national, dirigé par une personnalité nationale indépendante et consensuelle, et dont les membres s'engagent à ne pas se présenter aux prochaines élections.
Un seul drapeau, celui de la Tunisie, flotte sur toutes les têtes.
Ne jamais croire aux déclarations d'Ennahdha
Les milliers de personnes venues notamment des régions intérieures ont pris le chemin de l'Assemblée nationale constituante (ANC) au Bardo, à 1 kilomètre de là, sous grande escorte d'agents de sécurité.
L'ambiance était presque festive et seul le drapeau national flottait dans l'air. Les présents étaient par la suite en parfaite osmose avec les discours des leaders politiques, hostiles au gouvernement qui, malgré les clignotants rouges, ne veut rien lâcher, au risque de mener le pays vers la banqueroute et la guerre civile, avec la montée de la violence et du terrorisme.
A la tribune, Hamma Hammami, leader du Front populaire, a appelé à la vigilance, à ne pas prendre au sérieux les membres de la «troïka» au pouvoir qui induit en erreur le peuple, en lui faisant croire qu'ils recherchent le dialogue.
Un seul mot, un seul cri: "Erhal" (Dégage).
Selon lui, les membres du gouvernement s'accrochent plus que jamais à leurs sièges et à leurs intérêts personnels, le pays ne comptant nullement à leurs yeux. Sinon «ils auraient accepté les propositions des syndicalistes, de la centrale patronale, des avocats et des défenseurs des droits de l'homme, qui appellent tous, comme la majorité des partis, à la dissolution du gouvernement et à la mise en place d'un cabinet réduit composé de personnalités indépendantes et compétentes», a-t-il lancé devant les milliers de personnes scandant des slogans hostiles au gouvernement Larayedh, au parti islamiste Ennahdha et à son président Rached Ghnnouchi, qualifiés tantôt de «criminels» tantôt d'«ingrats».
A la Kasbah pour faire dégager le gouvernement
Si Hamma Hammami a appelé à la vigilance, son camarade Mongi Rahoui, député du Front populaire, est allé plus loin. Son speech était d'autant plus applaudi que ses mots étaient crus et son ton ferme. «Je vous rassure, ils ne reste pas beaucoup de temps avant leur départ. Ce sera la victoire de la Tunisie, de notre patrie et du drapeau national qui nous unit», a-t-il lancé. Et d'ajouter: «Nous sommes dans la logique de l'union pour la patrie et non dans une partie de gagnant/perdant. Nous suivons la volonté du peuple. Ce peuple qui demande aujourd'hui la dissolution du gouvernement et de l'Assemblée. La voie est aujourd'hui ouverte et nous sommes prêts, martyr après martyr, à hisser haut le drapeau du pays. Rassurez-vous, nous irons jusqu'à la Kasbah pour faire dégager ce gouvernement».
"Dégagez, dégagez... Laissez la Tunisie libre".
Ennahdha élevé dans la violence
Samir Ettaïeb, député et porte-parole d'Al-Massar, a appelé lui aussi à occuper la place de la Kasbah pour faire pression et appeler à «la dissolution d'un gouvernement qui n'a rien compris de la volonté du peuple».
«Nous leur avons laissé les sièges, nous sommes sortis pour répondre aux attentes du peuple, pour sauver notre pays. C'est un gouvernement incompétent. Ce n'est pas parce qu'ils ont fait la prison qu'ils sont en droit de tout accaparer, de percevoir des dédommagements pouvant aller jusqu'à 250.000 dinars et plus, alors que le citoyen a du mal à remplir son couffin. Et ne parlons pas du terrorisme!», lance M. Ettaïeb.
«Ennahdha est né dans la violence, a été élevé dans la violence et a grandi dans la violence... Ennahdha a tiré le pays vers le bas, seuls ses intérêts comptent et nous allons poursuivre le sit-in Errahil jusqu'au départ de ce gouvernement... Personne ne touchera à nos syndicats. Nos investisseurs doivent être rassurés pour relancer notre économie. Aujourd'hui, c'est le peuple qui a décidé et qui appelle à ce que le gouvernement parte», a averti le dirigeant de l'opposition.
Le sit-in s'est poursuivi jusqu'àune heure tardive de lanuit du samedi.
A vous les femmes, fleur de la liberté!
Mohsen Marzouk, membre du bureau exécutif de Nida Tounes a, quant à lui, passé en revue les moments forts de l'histoire de la ville du Bardo. «Ce sont les moments de l'indépendance et de l'avènement de la démocratie. Le Bardo, qui abrite le sit-in Errahil, va encore une fois marquer l'histoire de la Tunisie. Les vraies négociations et les grands accords ont toujours été conclus au Bardo», a-t-il dit. Et d'enchaîner: «Je félicite les héros de la Tunisie, les hommes et les femmes. Et, surtout, les femmes, ''nawaret elhorrya'' (fleurs de la liberté), et qui, en plus, sont toutes belles ce soir.»
Il n'y a pas de place pour le drapeau national. Toute la place est pour le drapeau national.
Mohsen Marzouk n'a pas omis de rendre hommage aux martyrs Lotfi Nagdh, Chokri Belaïd et Mohamed Brahmi, assassinés par des extrémistes religieux, «qui ont donné un sens à notre combat», promettant, au nom de tous les présents, de poursuivre le combat pour la dissolution du gouvernement qui, par son incompétence et son irresponsabilité, a rendu ces assassinats possibles.
Les youyous des femmes, l'hymne national entonné à plusieurs reprises, les slogans hostiles à Ennahdha et à Ghannouchi, les appels à la dissolution du gouvernement Larayedh et les feux d'artifice se sont poursuivis jusqu'à tard dans la nuit.