La page de la troïka, coalition gouvernementale qui gouverne la Tunisie depuis les élections du 23 octobre 2011, sera-t-elle définitivement tournée, comme vient de le laisser entendre Mohamed Bennour, porte-parole d'Ettakatol?
Par Zohra Abid
Selon M. Bennour, qui parlait lundi matin sur Shems FM, les ministres d'Ettakatol ont fait moins d'erreurs que ceux de leurs alliés au sein de la troïka (Ennahdha et Congrès pour la république) mais, dans l'ensemble, cette coalition gouvernementale ne jouit plus de la confiance de nombreux partis ainsi que de l'opinion publique.
Des divergences mais pas de contradictions
«La page de la troïka est tournée», a cru pouvoir annoncer M. Bennour, qui a évoqué les divergences politiques actuelles entre son parti, Ettakatol, avec ses deux alliés au sein de la troïka.
Huit députés retirés de l'Assemblée nationale constituante (ANC) ont rencontré, aujourd'hui, au siège du Conseil constitutionnel, Mustapha Ben Jaâfar, président de l'Assemblée et président fondateur d'Ettakatol, pour lui demander de retirer ses ministres du gouvernement Ali Larayedh, afin de sceller définitivement sa rupture avec la troïka. Cette perspective a cependant été catégoriquement rejetée, quelques heures plus tard, par Khalil Zaouia, ministre des Affaires sociales et membre du bureau exécutif d'Ettakatol, dans un entretien sur Mosaïque FM.
Cela n'empêche que les relations entre Ettakatol et la troïka ne sont plus comme avant. Depuis le gel, début août des travaux de l'ANC, décidé par M. Ben Jaâfar pour obliger les interlocuteurs politiques à revenir à la table des négociations et oeuvrer à sortir le pays de sa crise actuelle, les députés d'Ennahdha ne ménagent pas leurs critiques acerbes en direction de M. Ben Jaâfar et lui cherchent même ouvertement un remplaçant.
Malgré les menaces émanant de ses alliés, ce dernier a maintenu sa position, appelant même à mettre en place un gouvernement «apolitique», si tant est que cela puisse être possible, se rapprochant ainsi des positions de l'opposition et s'éloignant de celles de ses supposés alliés.
Le parti Ettakatol, qui a beaucoup perdu de son rayonnement et a vu beaucoup de ses dirigeants rejoindre d'autres partis, en raison de sa participation à la troïka et sa soumission aux désidératas d'Ennahdha, semble déterminé à aller jusqu'au bout dans sa volonté de relancer le dialogue national, conformément à l'initiative de l'Union générale tunisienne de travail (UGTT), appuyée par l'Union tunisienne de l'industrie, du commerce et de l'artisanat (Utica), le Conseil de l'ordre des avocats et la Ligue tunisienne de défense des droits de l'homme (LTDH).
D'improbables médiateurs
Dans sa volonté de repositionnement sur l'échiquier politique national, Ettakatol serait-il en train de se rapprocher de sa famille politique naturelle, le centre-gauche progressiste et moderniste, réuni aujourd'hui au sein du Front du salut national (FSN), et qui appelle à la dissolution du gouvernement provisoire et à la mise en place d'un gouvernement au nombre réduit composé de compétences nationales indépendantes?
Rien n'est moins sûr. Et pour cause : M. Ben Jaâfar et son parti essaient de jouer aux médiateurs en essayant de rapprocher les positions de la troïka et de l'opposition, aujourd'hui presque irréconciliables, mais se gardent de rompre les ponts avec aucune des parties, et particulièrement avec Ennahdha, dont ils restent des appendices de plus en plus inutiles.
C'est, pourtant, la rupture défitive de toute alliance avec ce parti qui pourrait aider Ettakatol à restaurer son image et à reprendre un peu du terrain perdu depuis le 23 octobre 2011 en perspective des prochaines élections. Mais ses dirigeants, qui semblent se complaire dans le rôle de faire-valoir, n'ont pas encore le courage d'une telle rupture qui les obligerait à compter sur eux-mêmes et non sur d'improbables coups de pouce d'Ennahdha.