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Les dirigeants d'Ennahdha soufflent le chaud et le froid, disent la chose et son contraire et étalent au grand jour leurs divisions internes. Mais ils semblent déterminés à ne rien lâcher du pouvoir qu'ils cherchent à garder le plus longtemps possible.

Par Imed Bahri

 Si certains partis d'opposition croient lire des ouvertures ou des changements dans la position du parti islamiste Ennahdha, en se fiant notamment aux déclarations mielleuses de son président Rached Ghannouchi, lors de son entretien, dimanche, sur Nessma TV, les dirigeants d'Ennahdha, eux, n'y voient que de simples déclarations de principe pour inviter l'opposition au débat. Ils se sont d'ailleurs amusés, selon un scénario désormais bien rôdé, à démentir leur chef ou à interpréter ses déclarations dans un sens contraire à celui qu'attendent les dirigeants de l'opposition.

Le ''J'y suis j'y reste'' de Ali Laârayedh

Le peu d'espoir que nourrissaient certains leaders de l'Alliance démocratique ou de Nida Tounes, pour ne citer que ces deux partis, concernant une hypothétique acceptation par Ennahdha de la revendication principale du Front de salut national (FNS), à savoir la dissolution du gouvernement Larayedh et la mise en place d'un gouvernement de compétences nationales indépendantes pour gérer ce qui reste de la seconde phase de transition et préparer les prochaines élections dans des délais raisonnables..., cet espoir, donc, a été anéanti, mardi, par Ali Lârayedh, qui a fermé la porte à toutes négociations et à toutes solutions médianes.

Plus que jamais attaché à son poste – que ne ferait-il pas pour le garder le plus longtemps possible? –, M. Larayedh a repoussé, au cours d'une conférence de presse, au Palais du gouvernement de la Kasbah, toute éventualité de dissolution du gouvernement à l'heure actuelle et son remplacement par un gouvernement de compétences.

«La situation critique que connaît la Tunisie actuellement n'est pas favorable à la dissolution du gouvernement», a-t-il dit, en soulignant l'instabilité sécuritaire et les menaces terroristes dans le pays. Instabilité dont sa gestion laxiste, en tant que ministre de l'Intérieur puis comme chef du gouvernement provisoire, au cours des deux dernières années, a été l'un des éléments aggravants. Ce que M. Larayedh refusera, bien sûr, d'admettre, en endossant le costume, trop large pour ses épaules, d'ennemi des terroristes après avoir longtemps été leur allié objectif.

«Le gouvernement actuel doit poursuivre ses travaux jusqu'à parachèvement de la période de transition en tenant compte des priorités sécuritaires, économiques, financières et politiques», a martelé M. Larayedh avec ce ton autoritaire et acrimonieux qui le caractérise désormais et qui énerve beaucoup de ses compatriotes.

Pour tout verrouiller et renvoyer à leurs chimères les opposants réunis au sein du Front national du salut, M. Larayedh a aussi appelé l'Assemblée nationale constituante (ANC), dont les travaux ont été gelés par son président Mustapha Ben Jaâfar, allié d'Ennahdha au sein de la coalition au pouvoir, à poursuivre ses activités.

«Nous appelons au démarrage du dialogue national pour la formation d'un gouvernement des élections qui prendra ses fonctions après la fin de l'écriture de la constitution, la promulgation de la loi électorale et la création de la l'Instance supérieure indépendante pour les élections dans un délai ne dépassant pas le 23 octobre 2013», a annoncé M. Larayedh, avec une apparente crédulité, qui cache, en réalité, un cynisme affligeant.

Les pyromanes pompiers

M. Larayedh sait très bien que la date du 23 octobre sera difficile à respecter. Il sait que les travaux de l'ANC, tels qu'ils se sont déroulés jusque-là, ne pourraient pas permettre d'achever toutes les missions qui lui sont attribuées dans un délai de deux mois. Il sait également que la soixantaine de députés retirés de l'Assemblée ne reviendront pas sous la coupole sans que leurs revendications aient eu un début de réalisation. Ce qui, bien sûr, enlèverait toute crédibilité aux décisions de l'instance législative.

Il est évident que M. Larayedh et les dirigeant d'Ennahdha vont continuer à tergiverser, à louvoyer, à mentir effrontément, comme ils l'ont fait jusque-là, pour prolonger le plus longtemps possible, même au-delà de 2014, le mandat de l'ANC et du gouvernement provisoire, et éviter ainsi de revenir aux urnes, d'autant que tous les sondages, même ceux commandés par eux auprès de cabinets étrangers, leur donnent des scores très mitigés.

De toute façon, les Nahdhaouis vont continuer, en parfaits pyromanes pompiers, à lutter contre le terrorisme, à recycler les sbires de l'ancien régime, à faire pression sur les plus récalcitrants parmi les hommes d'affaires, magistrats, journalistes, et... à accuser leurs opposants de refuser le dialogue, de mettre les bâtons dans les roues, de vouloir faire revenir l'ancien régime, et toutes les balivernes auxquelles ils ont habitué les Tunisiens.