Les autorités sécuritaires tunisiennes ont révélé, mercredi, un ensemble de données et de renseignements prouvant l'implication du groupe d'Ansar Al-Charia dans des actes terroristes en Tunisie. Le pire a-t-il vraiment été évité?
Les données et renseignements, prouvant que le groupe Ansar Al-Charia est doté d'une aile armée et d'une organisation militaire, ont justifié son classement comme organisation terroriste, a indiqué le directeur général de la sûreté publique, Mustapha Ben Amor, au cours d'une conférence de presse, mercredi, au ministère de l'Intérieur.
«Le peuple tunisien ne connaît d'Ansar Al-Charia que son prosélytisme à travers ses tentes de prédication et ses oeuvres caritatives et, maintenant, il découvre la face sombre de cette organisation terroriste», a déclaré M. Ben Amor.
Allégeance d'Abou Iyadh à Aboul Mossaab Abdulwadoud
«Il s'avère, d'après toute une somme de données fiables, que des dirigeants d'Ansar Al-Charia se rendaient fréquemment au mont Chaambi, soit pour s'entraîner, recevoir des instructions ou participer aux opérations menées contre les unités de l'armée et des forces de sécurité intérieure», a-t-il déclaré.
De même, «de nombreux dirigeants de l'organisation se sont rendus à plusieurs reprises en Libye dans le but de conclure des transactions d'armes ou de s'entraîner», a ajouté le haut responsable sécuritaire, précisant que la plupart de ces dirigeants se sont rendus en Libye après la révolution avant de regagner la Tunisie par la suite, alors que d'autres sont allés pour le jihad en Syrie.
Le directeur général de la sûreté publique a, en outre, fait état de l'existence de liens étroits entre Ansar Al-Charia et Al-Qaida au Maghreb islamique (AQMI), montrant aux journalistes présents le texte manuscrit de l'acte d'allégeance de Seifallah Ben Hassine, alias Abou Iyadh, au chef d'AQMI, Aboul Mossaab Abdulwadoud. Il a indiqué que quiconque parmi les membres d'Ansar Al-Charia fait allégeance à Abou Iyadh, puis désobéit à ses ordres, s'expose à la liquidation physique.
M. Ben Amor a, par ailleurs, fait état de l'implication dans les opérations terroristes et les événements du mont Chaambi d'une partie des éléments ayant bénéficié de l'amnistie générale dans la foulée de la révolution, en particulier les survivants du «groupe de Soliman» (décembre 2006-janvier 2007).
Une organisation militaire et sécuritaire sophistiquée
Selon l'organigramme montré aux journalistes présents par le même haut responsable, Abou Iyadh occupe le sommet de la hiérarchie avec rang de «Cheikh» ou «Emir général», suivi immédiatement après de trois «Emirs», Mohamed Awadi, Mohamed Akkari et Adel Saïdi.
Vient ensuite le groupe dit «des opérations préparatoires» comprenant 6 membres, le groupe de soutien et d'exécution composé de 8 membres et enfin le groupe de mobilisation et d'armement comprenant 2 membres.
Les endroits qui devaient être visés par des attentats à l'explosif ont, également, été dévoilés, dont des sites sécuritaires, de même que les modes de camouflage et de diversion utilisés par le groupe d'Ansar Al-Charia pour assurer l'anonymat, notamment le refuge dans les maquis montagneux ou la location de maisons par le biais de femmes comme fausses locataires aux fins de servir de cachettes sûres.
Le responsable sécuritaire a, d'autre part, révélé le démantèlement, le 9 août 2013, d'un réseau dirigé par une jeune fille (née en 1996) qui se livrait au recrutement de jeunes filles mineures adeptes du hijab aux fins de les amener à se livrer au «jihad du nikah» (prostitution halal au nom de la guerre sainte) au service des terroristes repliés sur les montagnes.
Invoquant le principe de secret de l'instruction, Mustapha Ben Amor a refusé, par contre, de révéler l'effectif de l'organisation d'Ansar Al-Charia et le nombre d'éléments arrêtés ou en cavale.
Evoquant certaines péripéties en rapport avec l'assassinat du dirigeant du Parti des patriotes démocrates unifié (Watad), Chokri Belaïd, le 6 février 2013, le haut responsable du ministère de l'Intérieur a indiqué que, d'après l'instruction en cours, la décision de le liquider avait été prise un mois auparavant, mais que le passage à l'acte avait été précipité par la participation de la victime à une émission de télévision (sur Ettounsia TV), au cours de laquelle ce dernier s'en était pris à la venue en Tunisie de prédicateurs extrémistes, rejetant les tentatives de contraindre des fillettes tunisiennes à porter le Hijab.
La «sentence de mort» a été rendue sur la base d'une «fatwa» émise dans ce sens par Abou Iyadh et que le dénommé Kamel Gadhgadhi s'est proposé de la mettre à exécution, a-t-il précisé.
Une liste des personnalités à liquider
En ce qui concerne l'assassinat du député et fondateur du Courant populaire, Mohamed Brahmi, le 25 juillet 2013, le directeur général de la sûreté publique a indiqué qu'Abou Iyadh a chargé personnellement le franco- tunisien Boubaker Hakim de cette opération.
Mustapha Ben Amor a, par ailleurs, donné un aperçu de certaines opérations terroristes qui ont pu être déjouées, notamment un attentat à Sousse qui devait viser, le 2 août, le président du parti Al Moubadara Kamel Morjane, mais aussi des assassinats qui devaient cibler la journaliste Om Zied, l'écrivaine Olfa Youssef, ainsi qu'un hold-up avorté d'une succursale bancaire à Sousse, probablement une agence d'Amen Bank.
La police a pris d'assaut l'endroit où se trouvait le tueur présumé Lotfi Zine mais ce dernier prit la fuite après une fusillade alors que ses acolytes Riadh Ouertani et Adel Kefi ont pu être capturés, a-t-il ajouté.
Le 4 août, au quartier d'El Ouardia, les unités sécuritaires ont pris d'assaut une maison utilisée comme cachette par un groupe de terroristes. Dans la fusillade qui s'en suivit, le dénommé Adel Saidi a été abattu, mais trois de ses complices ont été arrêtés: Ezzedine Abdellaoui, Abderraouf Talbi et Karim Klai.
Selon M. Ben Amor, bien d'autres opérations similaires ont eu lieu au cours de la période écoulée et ont permis l'arrestation de Mohamed Akari, Houssem Eddine Mezlini (alias Marwan), Ahmed Ben Aoun, Mohammed Ali Naimi (alias Brahim), Moadh Hmaidi (alias Seif), Mohammed Zerzi (alias Omar), Maher Akari (steward) et Abdallah Ben Aziza (ouvrier journalier).
Il a cité, parmi les présumés terroristes, Mohammed Khiari, qui envisageait d'assassiner le poète Sghaier Ouled Ahmed, et le président de l'Assemblée nationale constituante (ANC), Mustapha Ben Jaâfar.
Source : Tap.