Des dizaines de manifestants ont défilé, vendredi, sur l'avenue Habib Bourguiba, au centre-ville de Tunis, pour protester contre le projet d'intervention militaire étrangère en Syrie. Les Etats-Unis, la France et les Frères musulmans sont vilipendés.
Par Yüsra N. M'hiri
Les slogans pro-Bachar Al Assad, élevé au rang de grand résistant à l'impérialisme occidental, raisonnaient dans l'avenue centrale de la capitale. D'autres invitaient les Etats-Unis à cesser de se mêler des affaires des pays arabes et, surtout, d'arrêter leur «soutien aux Frères musulmans». D'autres encore défendent l'idée d'une conférence internationale pour la paix en Syrie, qui réunirait toutes les partie-prenantes.
«Assez de dégâts comme ça !»
Quid alors de l'usage des armes chimiques contre les populations civiles? Les manifestants estiment qu'il s'agit là d'un prétexte pour une intervention dont l'objectif est géostratégique et économique liés à la sécurité de l'Etat d'Israël et à l'exploitation du pétrole du Proche-Orient.
Les drapeaux jaunes du Hezbollah agités au coeur de Tunis: qui eut cru que cela pourrait arriver un jour ?
«Assez de dégâts comme ça !», crient les manifestants, en demandant aux Occidentaux en général et aux Américains en particulier de cesser leur soutien aux Frères musulmans et à leurs alliés, les groupes extrémistes religieux qui pullulent dans le monde arabe, financés par les émirats pétroliers du Golfe, d'atroces dictatures, pire que celle d'Al Assad, et qui sont protégées par les Etats-Unis et l'Europe.
Les manifestants s'arrêtent devant l'ambassade de France, protégée par plusieurs rangées de barbelés, et crient : «Hollande traitre, Hollande tartour» («tartour» en tunisien veut dire pantin ou marionnette, qualificatif dont les Tunisiens affublent leur président Moncef Marzouki). Puis ils se dirigent devant le théâtre municipal où ils brûlent le drapeau des Etats-Unis, en criant leur soutien à Bachar.
Un jeune homme tente de faire entendre sa différence en criant sur un ton délibérément provocateur: «A bas Bachar et vivent les islamistes qui protègent l'islam, espèce de mécréants !». Craignant une altercation violente, les forces de l'ordre, très nombreux et surtout attentifs, interviennent rapidement et éloignent l'audacieux, qui aurait été amoché s'il s'était attardé sur place.
Le drapeau états-unien brûlé: c'est désormais une scène ordinaire à Tunis.
Un nouveau viol du Monde arabe
Deux heures durant, les drapeaux de la Syrie, de l'Egypte et de la Tunisie se mêlent sur l'avenue Habib Bourguiba, et les manifestants, Tunisiens, Syriens, Egyptiens et Libanais, sous un soleil timide et tapant, n'en démordent pas: «L'intervention occidentale est un nouveau viol du Monde arabe». Et qui risquerait de «pourrir le conflit syrien au profit d'Israël.»
Profitant de l'occasion, les manifestants n'ont pas manqué de laisser éclater leur colère contre les dirigeants du parti islamiste Ennahdha, qu'ils appellent à quitter le gouvernement, les accusant, au passage, de soutenir les terroristes, en Syrie et ailleurs.
Le drapeau de la Syrie des Assad joue les prolongations à Tunis.
Le président provisoire de la république, Moncef Marzouki, en prend lui aussi pour son grade. «Il n'est pas dérangé par ce qui se passe autour de lui. Il vit dans un monde parallèle. Je préfère qu'il garde le silence, car, de toute façon, quand il parle, c'est pour ne rien dire», commente un jeune tunisien, en agitant une pancarte contenant des mots peu avenant à propos du locataire du Palais de Carthage. Il est aussitôt applaudi par ses camarades syriens et égyptiens, avant que la marche reprenne.