Les milliers de citoyens ont fait une marche de solidarité avec le journaliste Zied El-Heni et du syndicaliste Walid Zarrouk. Du Palais de Justice de Tunis jusqu'au Palais du Gouvernement à la Kasbah.
Par Zohra Abid
Ont pris part à la marche, organisée par le Syndicat national des journalistes tunisiens (SNJT), des journalistes, des avocats, des universitaires, des artistes, des responsables politiques, des défenseurs des droits de l'homme et des représentants de la société civile.
Le "crime'' d'expression
Zied El-Heni, membre dirigeant du syndicat des journalistes, et Walid Zarrouk, secrétaire général du Syndicat des établissements pénitentiaire, incarcérés – illégalement selon leurs comités de défense – depuis vendredi 13 septembre.
Les dirigeants politiques de l'opposition (Ahmed Seddik, Iyed Dahmani, Selma Baccar, Khemaies Ksila) au premier rang des manifestants.
Les manifestants ont exprimé aussi leur solidarité avec les autres journalistes et dirigeants, notamment Tahar Ben Hassine, patron de la chaîne Al Hiwar Ettounsi, et les dirigeants de l'Union nationale des syndicats des forces de sécurité tunisiennes (UNSFST), qui vont comparaître à partir du mercredi devant la justice.
Le seul «crime» de tous ces prévenus est d'avoir révélé l'existence d'un appareil sécuritaire parallèle au sein du ministère de l'Intérieur, qui fonctionne directement sous les instructions du parti islamiste Ennahdha, au pouvoir.
Les manifestants ont scandé aussi des slogans appelant à l'indépendance de la justice, de plus en plus dépendante du pouvoir exécutif qui l'utilise comme un moyen d'intimidation et de pression contre les opposants au gouvernement comme ce fut le cas sous la dictature de Ben Ali.
Bab Benat, à Tunis, 11 heures pile. La place était déjà noire de monde. Tous venus pour condamner l'incarcération illégale de Zied El Heni, qui sera libéré deux heures plus tard de la prison Mornaguia, après que le SNJT ait payé à la justice la caution de 2.000 dinars.
Le caricaturiste Lotfi Ben Sassi et le comédien Raouf Ben Yaghlane craignent pour la liberté d'expression dans la Tunisie actuelle.
Parmi les slogans du jour «Liberté de l'expression»; «Dissolution du gouvernement»; «Indépendance de la justice», «Emploi, liberté et dignité», «Pour le jugement de Ali Larayaedh et Noureddine Bhiri» (respectivement, chef du gouvernement provisoire, et ministre conseiller du chef du gouvernement, NDLR).
Les manifestants ont également appelé à la libération du cinéaste et président du mouvement citoyen Gtaltouna, Nasreddine Shili, incarcéré et poursuivi en justice pour avoir jeté un œuf sur le ministre de la Culture Mehdi Mabrouk.
Un important cordon policier protège le bâtiment du Palais du Gouvernement.
Tous contre la dictature islamiste
A la Kasbah, une armada de policiers était déjà en position, qui a empêché le cortège de franchir le cordon et d'envahir la place du gouvernement.
Au pied du mur de l'hôpital Aziza Othmana, quelques partisans d'Ennahdha étaient venus pour défendre la sempiternelle «légitimité du gouvernement» et dénoncer les «appels à l'anarchie» (sic !) lancés par l'opposition.
«Si vous aviez confiance en vous, vous n'avez qu'à attendre les élections. Nous sommes là pour défendre avec nos tripes ce gouvernement et gare à vous!», a lancé, les yeux rouges de colère, un trentenaire prêt à en venir aux mains.
Pause interview de Issam Chebbi.
Malgré le caractère pacifique de la marche, une courte altercation a eu lieu entre les manifestants, qui voulaient aller plus loin que la limite imposée, et les forces de l'ordre qui les ont empêchés. Les manifestants ont poursuivi leur rassemblement en lançant des slogans contre le gouvernement Ali Larayedh et, ce qu'ils ont qualifié de «dictature islamiste.»
L'arrivée de Zied El-Heni, qui venait de sortir de la prison de Mornaguia a ajouté à la ferveur populaire. Le journaliste, qui a été porté sur les épaules, a déclaré que le combat pour la liberté d'expression va se poursuivre avec plus de détermination qu'auparavant.