Le mouvement Ennahdha accepte l’«initiative du quatuor» pour sortir le pays de la crise politique, mais propose son propre calendrier et cherche à piéger de nouveau l’opposition. Explication...
Par Imed Bahri
Dans un communiqué publié sur la page Facebook de Rached Ghannouchi, le mouvement Ennahdha annonce avoir accepté l’initiative du quatuor (UGTT, Utica, LTDH et COAT) et «demande à accélérer le démarrage d’un dialogue national sérieux pour permettre au pays de sortir de la crise politique et le projeter vers des horizons plus vastes, et réaliser les aspirations de notre peuple à la liberté et à la dignité et servent les objectifs de notre glorieuse révolution», lit-on dans ce communiqué dont on appréciera la langue de bois.
Un oui pour un non
Le communiqué, signé Rached Ghannouchi, ajoute: «Ennahdha fait part de sa disposition totale et sans conditions à commencer immédiatement les séances de dialogue national pour trouver un consensus sur les questions posées, et notamment : 1- l’adoption de la constitution, en tant qu’objectif et pilier de la mission constitutionnelle, dans le plus bref délai, ne dépassant pas 3 semaines; 2- la fixation définitive des dates des élections dans un délai ne dépassant pas 6 mois après la mise en place de l’Instance indépendante des élections ; 3- et, à la lumière de ce calendrier, se mettre d’accord sur une nouvelle formation gouvernementale, sa présidence, ses membres et son programme».
Ce communiqué suscite quelques remarques : Ennahdha ne parle pas de dissolution du gouvernement, qui est le premier point de l’initiative de l’UGTT, mais d’«accord sur une nouvelle formation gouvernementale», laissant ainsi la porte ouverte aux négociations pour garder tels ou tels ministres, ou même le chef du gouvernement lui-même.
Sachant que la nouvelle ISIE n’a pas encore été mise en place et que sa mise en place pourrait prendre encore quelques semaines, surtout après la décision du Tribunal administratif d’arrêt du tri des dossiers de candidature à cette instance, les prochaines élections ne pourrait avoir lieu, selon le nouveau calendrier d’Ennahdha, qu’après 7 ou 8 mois, soit en avril ou en mai prochains.
Ennahdha prend son temps, la Tunisie peut attendre
Dernière remarque, et pas des moindres, Ennahdha parle d’«initiative du quatuor» et évite de citer le nom de l’UGTT, ce qui traduit une méfiance vis-à-vis de la centrale syndicale, jugée trop à gauche, et une volonté de ne pas la voir jouer un rôle politique de premier plan.
Cette nouvelle vraie fausse acceptation de l’initiative de l’UGTT est, en vérité, une nouvelle manoeuvre de la part d’Ennahdha pour gagner du temps en donnant l’impression de vouloir aller au dialogue sans rien donner en contrepartie.
La stratégie des islamistes est cousue de fil blanc. Une fois le dialogue national ouvert, avec la participation de l’opposition – ce qui équivaudrait à la dissolution du Front se salut national (FSN) –, Ennahdha s’emploiera à le faire durer le plus longtemps possible pour reporter encore davantage la mise en place du nouveau gouvernement et des prochaines élections. On en aura encore pour une année ou deux... L'Etat tunisien sera alors dans un état de déliquescence avancé. Scénario catastrophe en vue...
L’opposition est donc averti : attention piège !
I. B.