«Journée de la colère des jeunes», aujourd'hui à Tunis, avec la manifestation organisée par l'Union générale des étudiants de Tunis (UGET) et de l'Union des diplômés au chômage (UDC), en collaboration avec le mouvement Tamrod.
Par Yüsra N. M'hiri
Des centaines de jeunes, d'une moyenne d'âge de 25 ans, se sont d'abord rassemblés devant le théâtre municipal de Tunis. Tous font le même constat : un échec cuisant des tentatives pour faire avancer le dialogue national entre les différentes parties politiques enfonçant davantage la Tunisie dans la crise.
«C'est de notre avenir qu'il s'agit»
Ils étaient majoritairement des étudiants, ou d'éternels étudiants, diplômés chômeurs contraints de tromper leur ennuie en poursuivant des études qui ne mènent finalement à rien. Ils se sont réunis à l'Avenue Habib Bourguiba, pour crier aussi leur crainte de voir leur pays tourner le dos à la révolution et sombrer peu-à-peu dans une «nouvelle dictature», théocratique cette fois.
Les étudiants et les diplômés chômeurs : même combat contre la dictature de l'incompétence.
«On ne lâchera pas, car c'est de notre avenir qu'il s'agit», disent-ils. «Cette révolution, c'est nous qui l'avons faite. Elle nous a été volée, nous allons la récupérer», ajoutent-ils, par allusion aux hommes politiques qui occupent aujourd'hui les devants de la scène et mènent le pays vers une banqueroute assurée.
La manifestation d'aujourd'hui a pour raison principale d'exiger l'annulation de la loi interdisant une quatrième inscription à l'université, qui vise à éliminer les cartouchards et à dégraisser les effectifs grossissants de l'université, mais très vite, les slogans contre le gouvernement ont repris le dessus.
La façade du théâtre municipal de Tunis: mur des lamentations de tous les assoiffés de justice.
Une marche symbolique a ainsi été observée entre le théâtre municipal de Tunis, dont la façade est devenue une sorte de mur des lamentations de tous les assoiffés de justice, jusqu'au siège du ministère de l'Enseignement supérieur et de la Recherche, quelques centaines de mètres plus loin, sur l'Avenue Mohamed V.
La marche était strictement encadrée par un impressionnant dispositif. Les policiers craignaient, sans doute, des débordements d'autant plus prévisibles que les manifestants, tout au long de la marche, multipliaient les slogans peu amènes à l'égard du parti islamiste Ennahdha, conduisant la coalition au pouvoir: «Ghannouchi assassin, dégage de notre pays, toi et ton parti»; «Commerçants de la religion, vous avez assez sali la Tunisie, partez!»; «Vos mains sont tachées de sang, et vous osez encore vouloir gouverner!»; «Plus de crainte, plus de peur, la rue appartient au peuple»...
Les membres de l'UGET restent fidèles à la mémoire et au combat du Martyr Mohamed Brahmi.
Ces slogans étaient ponctués de l'incontournable injonction, le bras mimant les mots, dans cette chorégraphie spécifique à la révolution tunisienne: «Dégage, dégage, dégage...», hurlés en chœur du fond du cœur, avec la rage de la colère, sous l'œil vigilant des forces de l'ordre.
Les aînés se mêlent au mouvement
Les passants, non surpris par cette marche – ils en voient presque tous les jours –, réagissaient plutôt positivement. Certains se sont spontanément joints aux jeunes, d'autres ont applaudi ou ont levé le pouce et l'index, le signe de la victoire...
«On vous attendait!», a crié un monsieur d'un certain âge aux jeunes manifestants, avant d'ajouter: «Cela me rappelle ma jeunesse, la révolte étudiante au quartier latin en mai 1968», en affichant un sourire d'épanouissement et d'apaisement...
Un impressionnant dispositif policier accompagne la marche.
On apprendra par la suite que la police a procédé à des arrestations parmi les manifestants, sans autre explication. Parmi la dizaine d'arrêtés figure Kais Bouzouziya, membre du bureau exécutif de l'UGET et Bilal Ben Touati, secrétaire général du bureau fédéral de l'organisation estudiantine. La manifestation était pourtant pacifique, du moins à ce qu'on a pu en voir...
L'UGET fait appel aux citoyens pour les rejoindre dans leur mouvement de dénonciation d'un gouvernement qui fait fi des aspirations des jeunes.